Collectif Os’o

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en janvier 2017

Révélé par Timon/Titus, le Collectif OS’O mène depuis 2011 une aventure artistique singulière,en prise directe avec le monde actuel. Roxane Brumachon répond aux questions de L’Affût.

Timon/Titus, Collectif OS’O, photo Pierre Planc-Hénault

La preuve par cinq

Ils sont cinq : cinq anciens élèves de l’École supérieure d’art dramatique de Bordeaux d’abord réunis en 2010 dans un spectacle (L’Assommoir), commande du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TNBA). Leur formation en collectif un an plus tard ne doit cette fois rien aux circonstances mais à une volonté partagée, celle de se doter d’un outil et de mener des projets personnels sans être dépendants du désir d’un metteur en scène. S’y ajoute l’envie de porter une parole politique forte, éloignée de tout défaitisme. « Notre souhait, explique Roxane Brumachon, membre du Collectif OS’O, est de questionner le monde afin d’y trouver un peu d’espoir, et de placer l’humain au centre du propos. » Sur la forme, le Collectif privilégie une écriture de plateau conçue à partir d’improvisations, mais peut également s’appuyer sur un texte existant (comme pour sa récente création jeune public, Mon prof est un troll, de Dennis Kelly) et aime surtout collaborer avec d’autres artistes – acteurs, metteurs en scène, dramaturges… Ses productions se distinguent enfin par une scénographie épurée, qui permet au jeu de l’acteur, autre axe fondamental de la recherche du Collectif, de s’épanouir pleinement.
Depuis 2011, OS’O a présenté pas moins de six spectacles. Cette trajectoire en apparence fulgurante cache un important travail sur le montage des productions et une stratégie étudiée. Lorsqu’il perçoit 5 000 € de la Région pour L’Assommoir, le Collectif décide d’investir l’intégralité dans la diffusion et l’administration. Pour élaborer son second spectacle, Timon/Titus, mis en scène par David Czesienski, les cinq associés engagent une bataille de deux ans, n’hésitant pas à diminuer les salaires et démarchant eux-mêmes chaque coproducteur potentiel. Cette ténacité paye, tandis que la chance s’invite lorsque le spectacle est sélectionné en 2015 par le festival Impatience. Récompensé par le Prix du jury et celui du public, Timon/Titus leur ouvre les portes de structures importantes, en coproduction comme en diffusion. « Nous avons eu l’opportunité de rencontrer les bonnes personnes au bon moment », confie Roxane Brumachon, déplorant un manque de salles en région pour favoriser l’éclosion de l’émergence. Elle sait aussi l’importance d’être en compagnonnage avec un lieu (Le Champ de Foire à St-André de Cubzac ces trois dernières années) ou artiste associé (à la rentrée 2017 au Gallia Théâtre à Saintes et au Quartz, Scène nationale de Brest), pour produire et diffuser certes, mais aussi se nourrir au contact des publics. « Le théâtre a aujourd’hui besoin d’aller vers les gens, dont beaucoup s’en sont éloignés, conclut-elle. Et nous avons tous une part de responsabilité dans cette situation. »

L’Affût : Comment fonctionne le Collectif sur les plans artistique et administratif ?

Roxane Brumachon : Nous assumons à cinq la direction artistique et administrative : nous décidons des projets, des personnes avec lesquelles nous allons travailler, des rendez-vous avec les directeurs de lieux auxquels nous nous rendons toujours au minimum à trois, nous fixons le montant des salaires et examinons les candidatures lors de recrutements. L’administratrice, Fabienne Signat, nous fait bien évidemment des propositions en matière de production, mais nous en discutons tous ensemble. Nous ne sommes pas uniquement des artistes, nous aimons aussi suivre le montage d’un projet du début à la fin, y compris sur un plan financier. La gouvernance est donc collective, sans qu’il n’y ait de leader ni de rôle attitré pour chacun. Nous nous répartissons les tâches. Un tel fonctionnement suppose de nombreuses discussions, oblige à des compromis, donne parfois lieu à des frictions, et heureusement, car celles-ci nous aident à évoluer.

L’Affût : Qu’est-ce que le Collectif vous permet d’expérimenter, qui ne pourrait être conduit autrement ?

Ce qui me plaît le plus est cette possibilité d’élaborer une pensée à plusieurs, grâce à nos différences et nos individualités. Certains ont une approche sensorielle des choses, d’autres une approche plus corporelle et intellectuelle. Le mélange de toutes ces intelligences aboutit à une réflexion plus nourrie et nous permet donc d’aller plus en profondeur dans la conduite des projets. Car quand on affirme des choix, on sait qu’ils ont été débattus à cinq et pas décidés par une seule personne. C’est ce qui fait la différence avec des spectacles où nous ne sommes qu’interprètes. Nous développons par ailleurs une patience et une écoute qui nous aident dans notre rapport à des artistes extérieurs au Collectif. Il nous est plus facile de collaborer avec d’autres puisque nous avons l’habitude de travailler à plusieurs. Le seul écueil est celui du vase clos, le collectif étant une force mais pouvant devenir un endroit sclérosant. Nous sommes très vigilants sur ce point. C’est pourquoi nous menons parallèlement des projets personnels, et invitons toujours des personnes à rejoindre ceux du Collectif.

Collectif OS’O
collectifoso@gmail.com
collectifoso.com

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