Compagnie Hecho en Casa

Réalisé par Stéphanie Pichon en juillet 2021

En français, basque ou occitan, la compagnie franco-chilienne déploie un théâtre sans frontière, à destination d’un public jeune, depuis la ville d’Anglet.

Blanche, Cie Hecho En Casa avec Camille Duchesne, Mélanie Viñolo, Diane Lefebure, Viviana Souza & Arthur Perot, mise en scène Hervé Estebeteguy, photo Guy Labadens

Le multilinguisme pour tous

Dès le 4 juin dernier, Hecho en Casa dévoilait une nouvelle création au théâtre Quintaou d’Anglet. Ou plutôt une recréation en occitan de leur pièce à succès Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive (plus de 300 dates déjà), un Cyrano transposé dans le Japon médiéval. Elle avait déjà été montée en français, en espagnol et en basque. La voici donc en gascon, une première pour cette compagnie franco-chilienne habituée à jongler avec les idiomes. « Nous aimons beaucoup la notion d’accent, notamment pour Cyrano, ce cadet de Gascogne. Qu’une comédienne chilienne puisse jouer un Cyrano japonais qui parle en occitan, révèle la force de l’imaginaire et tout ce qui est possible au théâtre ! »
Si le français est majoritaire dans leurs pièces, l’espagnol vient souvent s’immiscer, le surtitrage est fréquent, et les auteurs d’Amérique Latine régulièrement sollicités. Ainsi Parfois j’aimerais avoir une famille comme celle de la petite maison dans la prairie, montrée en janvier 2021 aux professionnels, a été écrite par Hernán Casciari, auteur argentin. Quant à leur prochaine création, elle sera commandée à l’auteur chilien Luis Barrales.
Fondée à Bayonne, autour de 2010, par étapes successives, Hecho en casa (« fait maison » en espagnol) est le fruit d’une rencontre, celle de la comédienne chilienne Viviana Souza et d’Hervé Estebeteguy, comédien basque, formé au théâtre des Chimères de Jean-Marie Broucaret avec qui il a joué, puis mis en scène. Ancrée fortement au Pays basque – elle fait notamment partie de la fédération Taula qui regroupe 19 compagnies du territoire – elle n’en aime pas moins tisser des liens forts avec le continent sud-américain où elle a tourné plusieurs fois ses créations, au Chili et au Mexique.
Aujourd’hui, la compagnie a déménagé de Bayonne à Anglet, invitée par la municipalité à travailler au long cours dans sa viIlle, dans le cadre d’un conventionnement de trois ans, déjà renouvelé. « C’est un gros soutien, explique Hervé Estebeteguy. La ville nous met à disposition des locaux, des outils, des théâtres et salles, et nous travaillons étroitement avec le service culturel. C’est une belle collaboration, qui nous nourrit les uns les autres. C’est également Anglet qui nous a demandé de travailler à une version occitane de notre Cyrano ». La Compagnie a désormais son siège dans une école de la ville, juste en face de la scène du Quintaou et de la médiathèque.
La saison prochaine s’annonce plutôt riche, avec une grande partie de reports (60% des dates) et de nouvelles créations en tournée. Au total la compagnie, qui travaille avec une troupe fidèle du Pays basque et des collaborations plus ponctuelles avec des comédiens bordelais, parisiens ou toulousains, propose six pièces de répertoire. Toutes à destination du jeune public, ou plutôt, précise Hervé Estebeteguy, du tout public. « Nous faisons des spectacles à destination de l’enfance, de la jeunesse et de la famille. Même si nos créations sont estampillées jeune public, nous préférons parler d’un public jeune, et nous savons que les parents viennent aussi ! Nous évitons d’exclure et nous fabriquons des spectacles qui peuvent être visibles par le maximum de personnes, dont les enfants. »

L’Affût : Comment se passe la réouverture des lieux pour la compagnie ?

Hervé Estebeteguy : Nous avions des dates reportées, nous avons donc immédiatement recommencé à jouer, avec une tournée en banlieue parisienne. Les comédiennes en sont revenues revitalisées ! Nous avons tellement été vidés pendant cette période sans contact avec le public. Cela nous redonne des ailes, et nous remet à l’endroit de notre métier. Début juin, nous avons aussi créé notre Cyrano en occitan. Les choses se sont beaucoup accélérées, y compris sur la construction de la saison de diffusion. Même si on y était préparé, cela nous a quelque peu mis en difficulté. J’ai également réalisé, lors d’une représentation scolaire de Parle à la Poussière, à quel point nous, artistes, avons été touchés fortement à l’intérieur. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas vu le spectacle, j’ai voulu prendre la parole à la fin, mais j’ai été pris d’une émotion si forte que je n’ai plus pu parler. Les enfants ont compris, et se sont tous mis à applaudir.

L’Affût : Quels sont vos prochains projets ?

En juillet, nous entrons en création du spectacle Blanche et sommes en résidence à Sarlat, Monein et Portets. La pièce sera créée en janvier 2023, sur la Scène Nationale du Sud Aquitain. Pour la première fois, nous travaillons à une version en salle et une dans l’espace public. Ce que nous avons traversé, nous a encore plus donné envie de jouer à l’extérieur, d’aller à la rencontre du public. Ce spectacle, avec son dispositif bi-frontal très léger et sa dimension participative, nous permettra d’aller partout. La pièce se passe autour d’une grande table de ferme. Blanche, 98 ans, prépare une soupe de saison, et se souvient de son passé. On y écoute l’odyssée d’une femme traversée par un siècle, dans le milieu rural. C’est aussi l’histoire d’une émancipation, puisqu’elle part vivre à Paris, et y rencontre la littérature, le théâtre, la culture. Elle parvient à la fois à se détacher de ses racines pour prendre son envol, mais aussi à les préserver. Cette pièce a été écrite par les comédiennes de la compagnie, ce qui est une première. L’écriture, la scénographie, la dramaturgie se travaillent au plateau, c’est un nouvel enjeu pour nous.

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