Compagnie Le petit théâtre de pain

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en juin 2018

La compagnie, qui s’apprête à fêter ses 25 ans, défend un théâtre en prise avec la société et accessible au plus grand nombre.

Boxon(s) Jusqu’à n’en plus pouvoir, Compagnie Le Petit Théâtre de Pain, Cathy Coffignal, Jérôme Petitjean, Cathy Chioetto, Hélène Hervé, Jean-Marc Desmond, Tof Sanchez, Guillaume Méziat, Mariya Aneva, Éric Destout, photo Eñaut Castagnet

Un théâtre populaire et citoyen

À l’origine du Petit Théâtre de Pain se trouve un pari un peu fou tenté par six étudiants en Arts du spectacle à l’Université de Bordeaux 3, mus en 1994 par le même désir : apporter le théâtre aux gens qui en sont le plus éloignés. Ils ont à peine 20 ans, aucune réelle expérience du plateau, mais décident pourtant de se constituer en compagnie. Encouragés par l’un de leurs professeurs, Georges Bigot (ancien comédien du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine), les jeunes artistes vont alors mettre à profit un exercice universitaire (écrire, mettre en scène et jouer un spectacle) pour se lancer dans l’aventure. Créé en 1995 avec très peu de moyens dans une petite salle du Pays basque, 1, 2, 3, soleil ou l’éclipse obtient immédiatement l’adhésion du public et tourne de structures en structures. « Devant l’affluence de spectateurs, des diffuseurs ainsi que des coproducteurs prêts à s’engager sur une deuxième création se sont rapidement déclarés », se souvient la comédienne, metteure en scène et co-fondatrice Fafiole Palassio. Au fil des années, la troupe accueille de nouveaux membres, jusqu’à en compter aujourd’hui une quinzaine, de langues et cultures différentes. Alternant chaque saison productions en français et en basque, Le Petit Théâtre de Pain creuse depuis près de 25 ans le sillon d’un théâtre populaire en phase avec des problématiques d’actualité toujours abordées, précise Fafiole Palassio, « par le prisme de l’humain, du quotidien et de l’intime » ; qu’il s’agisse des flux migratoires (Le regard de l’homme sombre), de la justice (9) ou plus récemment de notre soumission à la société libérale (Boxon(s) Jusqu’à n’en plus Pouvoir).
Conventionnée depuis six ans par la DRAC, soutenue par la Région, le Département, l’OARA et la fabrique Hameka-Communauté d’Agglomération Pays basque, la compagnie peut aussi compter sur les liens de fidélité tissés avec de nombreux opérateurs culturels du territoire pour monter ses productions. La récente résidence-association (qui court jusqu’en 2019) proposée par L’Atelier 231, CNAREP de Sotteville-lès-Rouen, lui permet par ailleurs d’approfondir ses actions de médiation et de s’atteler à un travail de fond sur le territoire : résidences, diffusion mais aussi ateliers et créations partagées. L’une des spécificités du Petit Théâtre de Pain est en effet de proposer chacune de ses créations en salle et dans l’espace public. Un sérieux atout en diffusion, mais qui correspond surtout à son envie de nouer une relation de grande proximité avec les publics. Aussi voit-il dans l’extension du projet de fabrique Hameka sur le territoire de la Communauté d’Agglomération Pays basque (156 communes, contre 11 auparavant !) une formidable opportunité d’élargir encore son terrain de jeu. Au sein d’une société tendant vers l’individualisme, Le Petit Théâtre de Pain entend également réaffirmer sans cesse la dimension « socialisante » de l’acte théâtral et sa « fonction vitale » d’agora réunissant des citoyens soucieux de réfléchir ensemble sur le monde.

L’Affût : Vous assurez la co-direction artistique du lieu de fabrique Hameka. En quoi consiste cette mission ?

Fafiole Palassio : Une fois par mois, plusieurs membres du Petit Théâtre de Pain se réunissent avec l’équipe d’Hameka au sein du Comité de programmation, afin de décider conjointement des équipes qui seront accueillies en résidence ainsi que des actions pouvant être mises en place en matière de diffusion et de médiation. Nous élaborons également ensemble plusieurs périodes de diffusion : trois jours consacrés aux arts de la rue en septembre, un cabaret cirque en décembre et tout au long de l’année des temps forts sur le théâtre en basque. Le fait qu’Hameka ne soit plus aujourd’hui porté par la Communauté de communes Errobi mais par l’Agglomération du Pays basque va probablement réinterroger le projet et la place que nous y occuperons. Mais les liens entre la compagnie et Hameka resteront forts. Nous avons d’ailleurs nos bureaux à la salle culturelle Harri Xuri (siège de la fabrique) ainsi qu’un espace de stockage des décors au sein de l’atelier de construction.

L’Affût : Parlez-nous de votre dernière création, Boxon(s)…

Elle s’articule autour de la question du pouvoir et de la servitude, une servitude « participative » qui nous conduit parfois, au mépris de nos propres désirs et valeurs, à accepter l’inacceptable et à alimenter un système tout en étant conscients qu’il nous dévore. Cette création réunissant 9 comédiens marque notre première collaboration avec l’auteur Stéphane Jaubertie, qui a nourri son écriture du travail au plateau. Il nous proposait des scènes que nous validions ou non par le jeu, et inversement, nous lui soumettions des situations et dialogues. Boxon(s) Jusqu’à n’en plus Pouvoir est aussi présentée dans une version rue, qui n’a pas induit un changement d’écriture mais de rapport au public. Le dispositif scénique est frontal en salle et bifrontal en rue. Dans l’espace public en effet, le spectacle se déploie différemment selon l’endroit où il se joue. Nous avons donc jugé intéressant de travailler sur l’effet de miroir, en plaçant des gradins face à la scène et d’autres à l’arrière.

Compagnie Le Petit Théâtre de Pain
Salle culturelle Harri Xuri 64250 Louhossoa
05 59 93 01 45 – 06 30 89 39 82
leptdp@gmail.com – lepetittheatredepain.com
La Fabrique des arts de la rue Hameka
louhossoa.eus/harri-xuri-hameka

Partager