Compagnie Les Singuliers Associés

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en avril 2018

Le collectif constitué de Sylvie Audureau, Philippe Demoulin et Didier Valadeau,défend un projet mû par l’accès de tous les publics à la culture

Yunussa, photo Julien Soufflet – Cie Les Singuliers Associés, Adélaïde Grany, Anaïs Caillaud, Zhor Tazi, Amélie Rouffanche, Philippe Demoulin

Abattre les murs

Lorsque Philippe Demoulin décide au début des années 90 de quitter les bancs de la Fac pour intégrer la Compagnie Paroles, il ne dispose d’aucune formation théâtrale. C’est donc sur le tas que l’ancien étudiant en économie découvre le jeu, mais aussi la régie, l’administration et la mise en scène, au sein d’une compagnie qui développe des projets dans le champ social. Quinze ans de compagnonnage avec cette structure vont aiguiser son intérêt pour la question de l’accès de tous les publics à la culture (il montera notamment des spectacles en langue des signes) et lui permettre de rencontrer ses deux futurs compagnons de route, Sylvie Audureau et Didier Valadeau. La recherche artistique commune qui les anime les conduit à fonder en 2009 la Compagnie Les Singuliers Associés, conçue sous la forme d’un collectif afin que chacun puisse y développer ses propres projets. Défenseurs de formes contemporaines qui, explique Philippe Demoulin, « procèdent de l’écriture de plateau ou d’adaptations de textes pas forcément théâtraux », les trois artistes privilégient une réflexion autour de la mémoire, du langage et de l’identité. Autant de thématiques qui sous-tendent un travail continu sur l’altérité et l’accessibilité réalisé via un important programme d’actions culturelles. Illustration de cet engagement, « Les Chantiers pluriels » accueillent des comédiens amateurs, dont certains en situation de handicap (mental ou sensoriel), qui durant deux ans mènent ensemble une recherche théâtrale aboutissant à la présentation d’un spectacle. « Notre objectif est de promouvoir la différence dans une société qui s’emploie à la cacher, et d’en montrer la richesse », confie Philippe Demoulin, ajoutant que ces ateliers constituent aussi un formidable espace d’expérimentation pour les spectacles futurs de la compagnie ; des spectacles pensés dès leur création pour un très large public. « On parle beaucoup d’accessibilité des lieux, moins des œuvres », déplore le co-directeur de la compagnie, qui milite pour que les metteurs en scène intègrent l’accessibilité comme un enjeu esthétique à part entière.
Parce que le « vivre ensemble » et la mise en œuvre des droits culturels ne se limitent pas à l’intégration des personnes handicapées, le collectif se porte à la rencontre de tous les publics, par exemple ceux de quartiers prioritaires (le Val de l’Aurence à Limoges depuis 2007), avec lesquels il mène notamment des ateliers de pratique artistique. Philippe Demoulin demeure en effet persuadé que l’appropriation de la culture passe aussi et surtout par l’expérience du plateau, « cet espace de liberté où chacun peut exprimer qui il est ». En dix ans d’existence, la Compagnie Les Singuliers Associés a su faire reconnaître son expertise en matière d’accessibilité. En témoigne notamment la mission que la DRAC Limousin lui a confiée sur le sujet, mais aussi l’intérêt manifesté peu à peu par des lieux comme L’Odyssée à Périgueux ou La Mégisserie à Saint-Junien.

L’Affût : La DRAC Limousin vous a confié en 2010 une mission liée à l’accès des handicapés à la culture. En quoi consiste-t-elle ?

Philippe Demoulin : La partie la plus visible est la plaquette « Dans tous les sens » qui recense tous les spectacles accessibles aux sourds ou aux malvoyants sur le territoire du Limousin. Afin de l’élaborer, nous nous rendons dans les lieux, identifions les productions accessibles dans leur programmation et les accompagnons afin qu’ils rencontrent des associations et forment leurs équipes à l’accueil des spectateurs. Cette démarche a permis de rapprocher les publics concernés des salles. Car il ne suffit pas de diffuser l’information pour que les gens se déplacent. Il faut susciter l’envie, créer des habitudes, et cela repose beaucoup sur la capacité des lieux à créer des liens. Depuis deux ans, notre travail consiste à créer les conditions pour élargir ce dispositif à la Nouvelle-Aquitaine, ce qui suscite de nouveaux enjeux car la région est très vaste.

L’Affût : Parlez-nous de votre prochaine création, La Maison en petits cubes…

Il s’agit à l’origine d’un court-métrage d’animation réalisé par Kunio Kato et Kenya Hirata, qui en ont ensuite tiré un livre pour la jeunesse. Outre qu’elle traite de la mémoire, ce qui nous a séduits dans cette œuvre est son existence sur deux supports : un film sans paroles et un album jeunesse ; deux univers, la voix et le silence, qui nous intéressaient dans notre réflexion sur l’accessibilité. Nous en avons proposé une adaptation sous deux formes sensorielles simultanées. Sur un même plateau, le public choisira de prendre place dans l’un des deux dispositifs scéniques du spectacle. D’un côté, une narration visuelle assurée par Damien Mignot, comédien et chant-signeur sourd, avec une vidéo adaptée de l’œuvre originale. De l’autre, la voix de Sylvie Audureau accompagnée du chant et de la musique d’Ousseynou Mangane, multi-instrumentiste. Un spectacle mis en scène par Didier Valadeau et moi-même, réellement accessible à tous.

Compagnie les Singuliers Associés
23A Boulevard Saint-Maurice 87000 Limoges
05 55 79 38 87
singuliersassocies@gmail.com
singuliersassocies.org

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