Compagnie Thomas Visonneau

Réalisé par Stéphanie Pichon en février 2021

Depuis Limoges, le théâtre de Thomas Visonneau irrigue toute la Nouvelle-Aquitaine dans un joyeux mélange des formes :des spectacles tout terrain pour aller à la rencontre des publics, des pièces de répertoire et une nouvelle sériede trois conférences-spectacles inspirées des animaux, la Trilogie du vivant.

Léonce & Léna (fantaisie), Cie Thomas Visonneau avec Julie Lalande, Thomas Visonneau, Arnaud Agnel, Laure Coignard, Frédéric Périgaud et Marine Godon, photo Philippe Laurençon

Covid-19 compatible avant l’heure

GLa crise sanitaire n’a pas entamé la fougue du jeune metteur en scène Thomas Visonneau, installé à Limoges depuis 2014. Les théâtres sont fermés ? Qu’à cela ne tienne, il joue dans les classes de la Nouvelle-Aquitaine, comme il l’a toujours fait, et vient même de donner la primeur de sa création Pourquoi le saut de la baleine ? à des collégiens et lycéens. « On s’est rendu compte que la compagnie était covid compatible bien avant l’épidémie ! On avait déjà des spectacles prévus pour la salle de classe. Aujourd’hui tout le monde veut faire ça ! ».
Depuis la création de sa compagnie à Limoges, ville où a il fait ses classes de comédien à l’Académie de L’Union, Thomas Visonneau défend un théâtre à la portée de tous, et surtout des adolescents. Est-ce lié à sa rencontre avec le théâtre à 8 ans dans une petite troupe amateure nantaise ? Est-ce dû à sa formation imprégnée du théâtre de l’Est, défendant un théâtre populaire, clair et puissant ? Dès ses débuts, il crée des formes légères, comme ce Tour du théâtre en 80 minutes, qui balaye avec fougue 2000 ans d’histoire théâtrale. Son Claude Gueux de Victor Hugo, n’est joué qu’en milieu scolaire et vient de dépasser sa 100ème représentation. Et puis il y a ses Brigades de lecture, qui donnent du relief aux lectures imposées par le programme de français. « J’ai toujours défendu le rôle pédagogique du théâtre. Beaucoup d’adolescents ne s’y intéressent plus, et n’y vont que forcés. J’ai envie de les faire kiffer, d’aller à leur rencontre. Ces jeunes, c’est aussi le public de demain ».
Thomas Visonneau n’est donc pas de ces artistes qui prennent avec des pincettes leur rôle de médiateur et de passeur. Lui, foisonne d’envies de créer des liens. « J’aime l’idée qu’il y ait un avant et un après spectacle, pour bousculer les habitudes, créer des rendez-vous récurrents avec le public. Cela colle à ma volonté de faire territoire pour que naissent de vraies aventures avec des lieux et des habitants, et pour ne pas m’enfermer dans mon petit monde théâtral. J’ai eu la chance d’avoir des théâtres qui m’ont suivi dans ces projets ». Le premier étant la Scène nationale d’Aubusson avec qui il s’associe pendant trois ans à ses débuts. Puis il y a la Mégisserie de Saint-Junien, le Théâtre de Gascogne, et désormais le Théâtre Ducourneau d’Agen avec lequel il est toujours associé. Il va y créer ses Lettres à plus tard, projet où il demande à des adolescents d’écrire la lettre qu’ils ont toujours rêvé de coucher sur le papier sans jamais oser le faire. Il les monte ensuite dans un seul-en scène, différent dans chacune des villes où il passe.
S’il revendique une compagnie à son nom, qui affirme sa vision personnelle du théâtre, il aime s’entourer d’une troupe de comédiens fidèles. Cinq d’entre eux – plus lui-même – seront sur sa prochaine création, Léonce & Léna (fantaisie) de Georg Büchner, texte de 1836 qu’il transpose dans une chambre des années 90, avec couleurs flashy et Britney Spears. Thomas Visonneau aime l’idée de cette fausse comédie qui commence comme un conte de fée et se montre « légère, philosophique et féroce ». Une vraie déclaration d’amour au théâtre et aux acteurs, dont la création, au Théâtre Ducourneau d’Agen, a été repoussée de novembre 2021 à fin 2022.

L’Affût : Pourquoi le saut des baleines ?, votre nouvelle création, s’inscrit dans une trilogie du vivant. Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer cette série ?

Thomas Visonneau : Cette trilogie est née par hasard d’un premier spectacle sur les oiseaux, Voler prend deux L, avec Frédéric Périgaud, comédien mais aussi ornithologue amateur, qui avait envie de partager sa passion. C’est une vraie-fausse conférence qui se termine comme une pièce de théâtre. On s’est rendu compte que cela interpellait beaucoup les gens, parce qu’en parlant des animaux, on parlait aussi beaucoup des hommes. J’ai donc eu envie de poursuivre et je suis tombé sur le très beau texte de Nicolas Cavaillès sur les baleines. Sophie Bataille, aquarelliste, qui fait des carnets de voyage, vient peindre en live, aux côtés du comédien Augustin Mulliez. C’est extraordinaire pour moi de relier la peinture et le texte, de ne pas travailler qu’avec des acteurs. Il s’agit de ma création qui fait le plus appel à différents arts, puisque j’ai aussi collaboré avec le musicien Michaël Martin. Comme quoi une petite forme tout terrain, peut être un véritable travail abouti.
Quant au troisième volet de cette trilogie du vivant, soutenue par l’IDDAC, il s’appellera Un travail de fourmis ! et sera créé au printemps 2022, dans le cadre d’un nouveau partenariat avec le Théâtre Comœdia de Marmande. Beaucoup de lieux se montrent intéressés par l’idée de faire jouer les trois spectacles-conférences sur un week-end ou une saison.

L’Affût : Où trouvez-vous toute cette énergie alors que la crise sanitaire s’installe dans la durée ?

Je suis plutôt partisan de m’adapter quoiqu’il arrive. Il faut continuer à aller dans des endroits pour provoquer du dialogue, sinon, il ne reste que les écrans. Dans les salles de classe, les professeurs se montrent très contents, les élèves aussi. J’ai envie que mes comédiens continuent à jouer. Il n’y a rien de plus triste qu’un comédien qui ne joue pas, qui perd son corps, qui ne parcourt plus son texte. Alors j’essaie d’inventer de nouveaux dispositifs, j’ai beaucoup d’idées – trop parfois ! En tout cas, j’essaie, à ma mesure, de continuer d’inventer des choses. Le plus difficile, c’est ne plus avoir de lien avec le public, et de liens entre nous, entre compagnies, entre lieux.

Compagnie Thomas Visonneau
06 87 06 34 27 – compagnievisonneau@gmail.com
compagnie-thomas-visonneau.com

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