Compagnie YMA

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en janvier 2019

Au cœur du village de Mézin (Lot-et-Garonne), les chorégraphes Chloé Hernandez et Orin Camusont acquis un lieu de fabrique où de nouvelles activités devraient voir le jour cette année.

50 mètres, la légende provisoire, Agence de Géographie Affective, photo Julie Chaffort

Pas de deux

Elle dansait depuis l’âge de quatre ans ; lui, enfant de la balle, grandissait dans une école de danse où sa mère était enseignante et chorégraphe. C’est au Conservatoire de Toulouse que les chemins de Chloé Hernandez et d’Orin Camus vont se rencontrer, pour ne plus jamais diverger. Ils ont 15 ans, et leur complicité s’affirme peu à peu, notamment lors de cours de pas de deux. Désormais inséparables, les jeunes danseurs se forment ensuite au Centre national de danse contemporaine d’Angers, à la sortie duquel ils font leurs premières armes d’interprètes (sous la direction de Paco Decina et Valérie Rivière, entre autres) et de chorégraphes au sein du Collectif CdansC qu’ils créent en 2004 avec Amala Dianor. « Notre souhait était alors de lier l’énergie revendicatrice du hip-hop, qui émergeait à peine sur les scènes, et le caractère plus intime de la danse contemporaine », se souvient Chloé Hernandez. À la fin de l’aventure CdansC, le duo fonde la Compagnie Yma et poursuit la création de pièces chorégraphiques (L’Homme Assis, Here comes the chaos) dont le travail s’appuie sur la lumière, la vidéo, la partition musicale, voire la spatialisation du son. « Tous ces éléments nous permettent de modeler une forme qui émerge spontanément, influencée par notre rapport au monde et à l’autre », précise Orin Camus, défendant avec sa partenaire – et parfois d’autres artistes : danseurs, comédiens, et l’écrivaine Alice Zeniter, en 2018, pour Vous ne comprenez rien à la Lune – une danse basée sur les sensations, les vibrations, des états émotionnels irréductibles aux mots et différents d’un spectacle à l’autre. La diversité de leur écriture se double d’une volonté de proposer des productions accessibles à un large public. La série de duos Next couple, qui rassemblent des formes courtes jouées dans une relation de grande proximité avec l’auditoire, en est une parfaite illustration. « Les spectateurs sont très réactifs et perçoivent la douceur et la bienveillance que nous transmettons dans ces pièces », observe Chloé Hernandez.
Pour abriter leurs recherches, les fondateurs de la Compagnie Yma ont acquis en 2010 les bâtiments d’une ancienne cité scolaire paroissiale située à Mézin et transformé la chapelle en studio de danse, prélude à d’autres aménagements. En choisissant de fuir l’agitation parisienne – « notre duo entame une résistance apaisée face à la frénésie du monde », professent-ils – Chloé Hernandez et Orin Camus ont dû repartir de zéro dans une nouvelle région. Jusqu’ici, ils ont mené de front la création et, à l’invitation du Département du Lot-et-Garonne, de nombreuses actions de médiation (ateliers dans les écoles, stages pour enfants, adolescents et adultes au Théâtre de Mézin). Sans perdre de vue l’objectif premier de leur implantation : développer de mai à octobre des activités dans le lieu, en direction des habitants, des artistes et des diffuseurs, en particulier via des accueils en résidence. Tel est le principal défi qui s’offre à eux dès cette année et qu’on les sent impatients de relever.

L’Affût : Vous créez en moyenne une pièce par an. Comment réussissez-vous à produire et diffuser vos projets ?

Chloé Hernandez : Depuis quatre ans, la compagnie perçoit de la DRAC Nouvelle-Aquitaine une aide à la structuration, dont une partie est allouée à la création. Nous sommes également soutenus par la Région Nouvelle­-Aquitaine, le Département du Lot-et-Ga­ronne et la Commune de Mézin. Par ailleurs, l’OARA a participé à la production de quasiment tous nos projets, et aidé à leur diffusion. Ce soutien institutionnel nous offre une stabilité, très importante pour créer sereinement. Nous avons également été accompagnés par Le Cuvier, Centre de développement chorégraphique d’Aquitaine, avec lequel la compagnie a été en compagnonnage de 2013 à 2015, ainsi que l’Atrium de Dax qui a diffusé plusieurs pièces de notre répertoire et soutient notre nouvelle création. Notre participation à Région(s) en scène avec L’Homme assis (2013) nous a aussi été très bénéfique en termes de visibilité. Enfin, une forme un peu différente comme Next couple nous a permis d’ouvrir la diffusion, en jouant dans des médiathèques, des festivals de rue, des écoles… Aujourd’hui, nous vivons un moment un peu charnière où nous devons aller à la rencontre de lieux soutenant spécifiquement la danse, prêts à accompagner notre prochain duo. En parallèle, nous renouvelons les partenariats sur le territoire pour prolonger notre dynamique de développement.

L’Affût : Justement, parlez-nous de votre création 2019, Si nous prenions le temps…

Orin Camus : Nous avons entamé cette création il y a plus d’un an sans thème ni idée préconçus, en faisant en sorte que le mental prenne le moins possible le contrôle sur les corps ou sur ce qu’ils auraient à exprimer. Nous avions simplement besoin de nous retrouver en studio et de voir ce qui pourrait émerger.
Chloé Hernandez : Ce qui émerge pour l’instant est la question de notre rapport au temps et le besoin de ralentir le rythme pour décompresser les corps en leur rendant leur dimension subjective. Cette création, prévue pour décembre 2019 et dont nous avons présenté une étape lors d’une sortie de résidence à l’Atelier des Marches au Bouscat, s’inscrit dans la continuité de notre recherche, mais de façon beaucoup plus poussée. L’idée est de montrer à quel point on peut se laisser guider par ses sensations, par le geste créateur, alors que le mécanisme humain tend à tout diriger.

Compagnie Yma
5 rue Neuve 47 170 Mézin
07 82 69 96 86 – association.yma@gmail.com – compagnie-yma.com

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