Contrat de filière musique et variétés la Nouvelle-Aquitaine, terre de soutien à la création artistique

Réalisé par Sarah Le Blé en juin 2022

Présenté comme un « nouvel outil de coordination de l’action publique sur les territoires », le contrat de filière Musiques actuelles et variétés a pour objectif de créer les conditions d'un modèle socio-économique durable pour les acteurs de cette filière, notamment par l’accompagnement des différents domaines créatifs et le renforcement des coopérations. En Nouvelle-Aquitaine, il se singularise par rapport aux autres régions françaises par son ancienneté, le montant de sa dotation (fonds créatif) et désormais, depuis la signature de l’avenant en janvier 2022, son ouverture à l'ensemble des esthétiques musicales.

Signature du contrat de filière Musique, photo Paul Robin

« Sorte de ruissellement à l’envers, le contrat de filière permet de faire remonter des problématiques de terrain et d’influer sur les politiques publiques », présente Pauline Gobbini, coprésidente du Réseau des indépendants de la musique. Le RIM est avec la direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), le Centre national de la musique (CNM) et la Région une des « quatre têtes » du dispositif, « lequel fonctionne aussi sur deux jambes : le dialogue et l’expérimentation ».
« C’est une sorte de laboratoire au service de la décentralisation d’où peuvent ressortir les enjeux émergents », résume Pauline Gobbini, qui cite en exemple les développeurs d’artistes : « La fonction de développeur d’artistes vient compléter l’approche des tourneurs, des producteurs ou des labels en apportant une vision d’ensemble à 360° ; son activité décloisonnée comprend de l’aide à la création, du conseil en stratégie, du management… Le rôle du développeur d’artistes, qui couvre des besoins transversaux, a pu être testé dans le cadre d’un appel à projet du contrat de filière ; la Région a ensuite créé une aide pérenne dédiée à ces métiers au service de l’émergence et de la diversité musicale. « Ce soutien n’est plus un appel à projet du contrat de filière mais fait partie du règlement intervention de la Région Nouvelle-Aquitaine. » Financé à parité par l’État et la Région et construit en lien avec le réseau d’acteurs des musiques actuelles, le contrat de filière régional Musiques et variétés est le premier fonds créatif de France, du fait de la fusion des régions, mais aussi parce qu’il traduit un engagement fort de la Nouvelle-Aquitaine pour soutenir la création artistique : « C’est la marque d’une volonté de l’ensemble des parties prenantes de s’engager avec des crédits importants », souligne Maylis Descazeaux, directrice régionale des Affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine, qui ajoute : « Les crédits débloqués dans le cadre du contrat de filière ne servent pas à compenser le droit commun : ils visent véritablement à expérimenter des politiques culturelles, à mettre en place des solutions face à des problématiques concrètes remontées par les acteurs de terrain. Les aides ne visent pas à devenir pérennes, elles sont entièrement liées à une expérimentation qui par la suite peut être amenée à être relayée ou essaimée. »

La coopération dans l’ADN de la Nouvelle-Aquitaine

En Nouvelle-Aquitaine, il existe une tradition forte de coopération territoriale, qui date d’avant la fusion des régions. Plusieurs conventions régionales ont ainsi déjà été signées entre l’État, les collectivités et le CNV (qui deviendra le CNM en 2020). « À l’origine des contrats de filière, il y avait des conventions partenariales traduisant la volonté de répondre à des besoins non couverts par les dispositifs existants, d’avoir une proximité territoriale en s’adressant à des structures non encore accompagnées partout sur les territoires, et de travailler étroitement avec les DRAC et les Régions », détaille Pierrette Betto, conseillère à l’action territoriale du CNM.
Le premier contrat de filière Musique et variétés, signé en 2017 en Nouvelle-Aquitaine, s’inscrit totalement dans la continuité de ces conventions : il est venu consolider les démarches expérimentales mises en place, notamment par le RIM (ex-Rama au niveau aquitain) avec le dialogue entre les acteurs et la coconstruction comme principes de fonctionnement. « Ce qui distingue la Nouvelle-Aquitaine, en dehors du budget qu’elle y consacre, c’est cet esprit de coconstruction des politiques publiques et cette gouvernance ouverte à une diversité d’intervenants, comme Pôle Emploi ou le groupement d’employeurs Agec&CO », souligne Pierrette Betto. Autre particularité forte en Nouvelle-Aquitaine : le transfert de savoir-faire, dispositif en place dès le début du contrat. Grâce à la médiation du groupement d’employeurs bordelais Agec&CO, le dispositif permet « un échange de compétences de pair à pair » entre des structures qui ont une compétence bien affirmée dans un domaine et d’autres qui la recherche précisément. « Cela permet à la fois une montée en qualification des acteurs et également une meilleure connaissance des acteurs entre eux, ce qui est un élément essentiel pour l’équilibre de l’écosystème sur un territoire. »

Quatre contrats de filière existants en Nouvelle-Aquitaine

La Région Nouvelle-Aquitaine se caractérise par un engagement fort dans le soutien à la création artistique : elle signe dès 1985 un contrat de filière dans le secteur du cinéma, puis dans celui du livre en 2014. C’est également la première Région à signer à un contrat de filière en musiques actuelles et variétés, le 1er septembre 2017, auquel elle consacre aujourd’hui le fonds créatif le plus important (620 000 €).
La Nouvelle-Aquitaine est enfin la première région de France à signer un contrat de filière pour les arts plastiques et visuels, le 28 juin 2018. Celui-ci s’articule autour de deux axes que sont : « la place de l’artiste » et « le développement territorial ».
« Il existe une forte concentration des contrats de filières en Nouvelle-Aquitaine aussi parce que les acteurs sont convaincus que c’est une bonne façon de travailler. D’ailleurs, des passerelles sont envisageables entre les associations porteuses de contrats de filières différents, dans le cadre de transfert de savoir-faire notamment », souligne Maylis Descazeaux, directrice de la DRAC de Nouvelle-Aquitaine.

Enjeux sociétaux

Démocratique et expérimental, le contrat de filière permet en outre de faire face aux défis sociétaux, indique Pauline Gobbini du RIM ; c’est même « un dispositif qui permet de faire émerger des structures pionnières sur les enjeux sociétaux, qu’il s’agisse de la transition énergétique ou les droits culturels », précise Charline Claveau, vice-présidente en charge des Affaires culturelles de la Région Nouvelle-Aquitaine.
La transition énergétique des structures constitue un axe de développement à part entière dans les nouvelles orientations 2020-2023 du contrat de filière, sans oublier d’autres sujets sociétaux comme la place de la femme dans la musique, le lien aux personnes…
Il s’agit là de mettre en œuvre une « observation continue et partagée de l’évolution des pratiques culturelles et des métiers », de l’impact artistique, culturel et économique des différents dispositifs d’aides publiques… La Région se veut aussi garante de cet esprit de construction collective, indique Charline Claveau : « Le dispositif permet une prise de température permanente, avec une aide au projet en fonction de ce qui est expérimenté. »
Au-delà de l’identification des problématiques et réalités de terrain, les objectifs de ce contrat de filière visent à soutenir la création, la diffusion des œuvres et la circulation des artistes, encourager la responsabilité sociale des organisations créatives, développer les compétences, accompagner la recherche et l’innovation. Et l’avenant tout juste signé (lire encadré ci-contre) élargit encore le champ des applications à la musique de patrimoine et de création.

Toutes les esthétiques musicales représentées depuis Janvier 2022

Depuis janvier 2022, l’avenant au contrat de filière offre un nouveau chapitre à l’écosystème musical néo-aquitain en augmentant son budget initial et en étendant son champ d’application à toutes les esthétiques musicales, présente Maylis Descazeaux, directrice régionale des Affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine. La signature de cet avenant augmente en effet le budget annuel initial, de 270 000 € à 620 000 € en 2022. « Cet avenant réaffirme l’ambition de répondre de façon concertée aux enjeux de l’écosystème musical en Région, en mutation permanente. Ainsi complété, le contrat de filière fait écho à la création du Rézo Musa, tout récent réseau de filière régional pour les musiques dites classiques », précise la Région. « Ce périmètre élargi correspond aussi à la transformation du Centre national des variétés (CNV) en Centre national de la musique (CNM) depuis le 1er janvier 2020 », précise Charline Claveau en se réjouissant des nouvelles perspectives.

Un dispositif composé de quatre partenaires principaux

La Région Nouvelle-Aquitaine est engagée depuis le début des années 2000 dans une démarche de coconstruction des politiques publiques en faveur des musiques actuelles et des variétés, en partenariat étroit avec l’État et les réseaux représentatifs des acteurs. Cette démarche de concertation a notamment permis la mise en œuvre d’une politique régionale singulière dotée de presque 5,5 millions d’euros.
La direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) : depuis le début des années 80, le soutien de l’État aux musiques actuelles s’est principalement développé autour de deux enjeux indissociables : le développement territorial d’une politique artistique et culturelle (réseau des SMAC et de nombreux festivals, fédérations et réseaux qui les animent) et le développement d’une politique économique en prise avec les nouveaux enjeux liés au numérique.
Le Centre national de la musique (CNM) garantit la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Ses dispositifs d’aides financières et non financières ont pour objectif de soutenir les auteurs, compositeurs, artistes et les professionnels qui les accompagnent. Il associe les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions, notamment par des « contrats de filière ».
Le Réseau des indépendants de la musique (RIM) a pour objet de créer un écosystème favorable à un développement durable, équitable, coopératif et solidaire des musiques actuelles en région Nouvelle-Aquitaine. Né de la fusion de trois anciens réseaux régionaux de musiques actuelles (la Feppia, le PRMA, le RAMA et des acteurs du Limousin), le RIM rassemble 200 adhérents.

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