Ensemble ARS Nova – de nouvelles pages à écrire

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en octobre 2017

Après trente ans de bons et loyaux services, Philippe Nahon passe le relais au chef québécois Jean-Michaël Lavoie.

Tchekov à la carte, Compagnie laBase, photo Laure Sornique

Une aventure musicale et humaine

Longtemps, Philippe Nahon a hésité entre le dessin, la peinture et la musique. Laissant sa professeure de piano décider pour lui, il opte à l’âge de 20 ans pour la direction d’orchestre. Mais la formation, trop classique, convient mal à son esprit aventureux et curieux d’autres arts – le théâtre, la danse et bien sûr la musique contemporaine. « J’ai rapidement souhaité diriger un ensemble de musique contemporaine comme on le ferait avec une troupe, se souvient-il, être entouré d’amis et jouer simplement avec eux. » Alors, quand Philippe Nahon apprend que le directeur de l’Ensemble Ars Nova, Marius Constant, cherche un assistant, il n’entend pas laisser passer sa chance. Les deux hommes sympathisent, et du jour au lendemain, le jeune chef voit son rêve se réaliser. Il côtoie Olivier Messiaen, Maurice Ohana, Iannis Xenakis ou encore en 1975 un compositeur inconnu du grand public… un certain Pascal Dusapin. Suivront Alexandros Markéas, Zad Moultaka, Martin Matalon… « J’ai vécu des moments sublimes », s’enthousiasme Philippe Nahon, qui apprécie aussi la fidélité que ces créateurs ont toujours témoignée depuis lors à Ars Nova. En trente années passées à la tête de l’ensemble, il ne cache pas non plus la fierté qu’il éprouve d’avoir « écrit un chapitre de l’histoire de la musique ». Outre acquérir un rayonnement national et international, l’autre grande réussite d’Ars Nova est d’avoir su mener un intense travail de transmission sur le territoire du Poitou-Charentes et d’attirer un large public, notamment des jeunes de quartiers difficiles grâce à des commandes passées à des compositeurs. C’est donc fort du devoir accompli que Philippe Nahon a décidé, à 71 ans, de confier les rênes d’Ars Nova à Jean-Michaël Lavoie. Avouant avoir mis du temps à accepter la retraite, c’est désormais « tranquille et serein » qu’il envisage l’avenir.

L’Affût : Le choix d’un successeur est parfois délicat. Comment celui de Jean-Michaël Lavoie s’est-il imposé à vous ?

Philippe Nahon : J’ai proposé que chaque musicien dresse une liste de jeunes chefs auxquels il pensait, et le nom de Jean-Michaël Lavoie est ressorti constamment. Il y a un an, nous nous sommes rencontrés lors du festival Musica à Strasbourg. Je dis souvent que je choisis d’engager un musicien ou un compositeur non sur des diplômes mais en échangeant une poignée de main avec lui. Quand je l’ai fait avec Jean-Michaël Lavoie, j’ai eu l’impression de le connaître depuis longtemps. Je lui ai proposé de diriger un opéra que nous avions présenté, et en assistant aux répétitions j’ai eu une sorte de flash. Jean-Michaël a 35 ans, et quand il naissait j’étais à sa place et Marius Constant dans la salle. Je me suis dit que c’était lui et personne d’autre.

L’Affût : Comment l’accompagnez-vous durant cette période de transmission jusqu’en janvier 2018 ?

Philippe Nahon : Nous avons beaucoup échangé, notamment lors d’un atelier sur la composition auquel il a participé en juillet à Saint-Jean-d’Angély. Il a rencontré les musiciens et le personnel administratif lors d’entretiens individuels. Nous parlons ensemble très ouvertement, je lui confie des secrets sur la personnalité de chaque musicien, le conseille et le renseigne sur les compositeurs français qu’il ne connaît pas encore vraiment. Épaulé par Laurence Dune, qui assure la coordination générale, et par le président du Conseil d’administration, Raphaël de Vivo, il a rencontré cet été à Avignon et à Aix-en-Provence des personnes du ministère de la Culture, des directeurs de scènes nationales, et a été très bien accueilli. En février 2018, il reprendra Laborintus II, de Luciano Berio, à Toulouse. Je serai dans la salle, avec autant de bonheur que si je dirigeais. La saison suivante sera réellement la sienne et j’ai hâte de découvrir ce qu’il proposera.

L’Affût : Au regard de votre parcours, qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de prendre les rênes d’Ars Nova ?

Jean-Michaël Lavoie : Ars Nova est un ensemble qui a toujours fait de la création et continue de se renouveler en voulant soutenir, sans étiquettes, de jeunes compositeurs. J’ai travaillé avec beaucoup d’orchestres et d’ensembles en Europe et Ars Nova est certainement l’une des structures musicales qui est à la fois la plus ancienne et la plus souple. C’est une chose rare et précieuse.

L’Affût : Quels sont les contours de votre futur projet, et sur quoi entendez-vous mettre l’accent ?

Jean-Michaël Lavoie : Dans la famille des disciplines artistiques contemporaines, la musique demeure la petite sœur qui a du mal à grandir et à s’assumer pleinement. La musique contemporaine dispose à présent d’une longue tradition, sur laquelle elle peut s’appuyer pour enfin proposer des choses nouvelles. La ligne directrice de mon projet est de tenter de lui donner un nouvel élan pour que tout un chacun puisse s’y intéresser très simplement et sans retenue. Ma priorité absolue est de présenter des projets de la plus haute qualité artistique avec des moyens actuels, notamment le numérique.

Ensemble Ars Nova
2, place Aristide Briand
86000 Poitiers, 05 49 30 09 25
contact@arsnova-ensemble.com
ars-nova.fr

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