La Gare Mondiale

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en mai 2020

Depuis près de 20 ans, le lieu de fabrique bergeracois allie accueils en résidenceet travail de proximité avec des quartiers prioritaires.

Photo La Gare Mondiale

Un projet protéiforme

Lorsque la Compagnie Melkior Théâtre, à la recherche d’un lieu où répéter, s’adresse à la Ville de Bergerac, celle-ci lui propose d’investir une ancienne conserverie située dans une zone dite « sensible ». « En échange de son soutien, le maire nous demandait de mettre en œuvre des projets avec les habitants du quartier », se souvient le directeur du futur lieu, Henri Devier. Ainsi ouvre en septembre 2001 La Gare mondiale (nom évocateur d’un endroit de passage, où les artistes arriveraient, se croiseraient et repartiraient), que la compagnie décide rapidement de partager en le transformant en un « lieu de recherche et de confrontation artistique » pluridisciplinaire (théâtre, danse, cirque, performances) et axé sur l’émergence. Grâce à des infrastructures dédiées – deux studios de 100 m2 chaque, dont un équipé d’une scène de 8 m x 7 m avec une jauge de 50 places – La Gare mondiale accueille chaque année, pour des résidences de création ou d’immersion sur le territoire, près d’une dizaine de compagnies (régionales, nationales et même internationales) toutes hébergées dans les Cités proches. Son accompagnement ne se limite pas à une mise à disposition du lieu, puisque chaque équipe artistique perçoit une enveloppe allant de 5 000 à 10 000 €, peut présenter une esquisse de son projet lors de sorties de résidence et / ou le créer durant le festival Trafik. Récemment, le lieu de fabrique a décidé d’intensifier son action en s’inscrivant dans une démarche de compagnonnage qui permet à plusieurs compagnies de bénéficier sur une période de deux ou trois ans d’un soutien technique, administratif, financier (10 000 €) et, bien entendu, artistique. « Nous essayons également, ajoute Henri Devier, de les mettre en relation avec nos réseaux de diffusion. » Cette permanence artistique sert l’un des objectifs principaux de La Gare mondiale : mener des actions culturelles et surtout co-construire des projets avec les habitants des quartiers. Parmi les plus aboutis, figurent notamment celui initié avec des adolescents autour du rap et un travail d’écriture proposé depuis trois ans par Henri Devier auprès d’un groupe de femmes ; lesquelles gèrent en outre un lieu créé en 2017 par La Gare mondiale, L’Ali’mentation générale, une « épicerie culturelle » implantée dans le quartier prioritaire des Deux-Rives et destinée à resserrer davantage encore les liens entre artistes et habitants.
Résidences, création, médiation, projets participatifs, festival… Au fil des ans, le projet de La Gare mondiale (dotée d’un budget de 300 000 €) s’est considérablement diversifié, entraînant dans son sillage un grand nombre de soutiens institutionnels – Région Nouvelle-Aquitaine, DRAC, Ville de Bergerac et Communauté d’Agglomération Bergeracoise, Département de la Dordogne, Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord, OARA, ONDA. Aujourd’hui, l’heure est autant à la consolidation qu’à l’accroissement des actions, via la signature en septembre d’une convention triannuelle avec l’ensemble de ces partenaires. Un enjeu de taille pour Henri Devier qui, appelé à quitter les commandes fin 2022, souhaite dès à présent placer la Gare mondiale sur de bons rails.

L’Affût : Quel impact la crise du coronavirus a-t-elle sur votre activité ?

Henri Devier : La Gare mondiale ainsi que L’Ali’mentation générale sont fermées, et nous avons dû suspendre les accueils en résidence pour les reporter sur la période allant de septembre à décembre. Heureusement, l’essentiel des résidences s’était déroulé en janvier, février et début mars. Les subventions n’ayant pas encore été votées, nous vivons une période d’incertitude, relative toutefois car nous avons confiance en nos partenaires. Par ailleurs, nous avons réussi à repousser l’échéance des charges sociales du premier trimestre et négocié depuis plusieurs années un découvert bancaire de 40 000 €. Nous avons pris les bonnes mesures au bon moment, ce qui devrait nous permettre de relancer l’activité en septembre. En revanche, nous sommes inquiets de la situation des compagnies que nous soutenons, en particulier celles qui ont vu leurs dates de tournées pour mars, avril, mai et juin annulées, et plus globalement des conséquences que cette crise aura sur l’ensemble de la profession dans les années à venir.

L’Affût : Vous organisez en novembre le Festival Trafik. Quelle programmation proposez-vous ?

Nous avons toujours tenu à proposer des créations contemporaines généralement réservées à des publics avertis, en pensant que nous réussirions à attirer aussi des jeunes et des habitants du quartier. Un tel pari nécessite de mener un travail de fond tout au long de l’année, mais il est réussi puisque le festival réunit 2 000 personnes, essentiellement de Bergerac. Une partie de la manifestation est également axée sur des actions développées auprès des habitants, comme récemment la réalisation de pockets films à l’aide de Smartphones. Chaque année d’autre part, nous donnons un thème au festival, afin de relier des problématiques artistiques à des problématiques sociales, politiques et sociétales. Sans oublier une ouverture vers l’Europe, notamment en collaboration avec un quartier populaire de Berlin. La prochaine édition s’intitulera « Work », suggérant ainsi la nécessité de se mettre au travail pour changer la société. Nous défendons en effet l’idée selon laquelle l’art peut recréer des liens entre les gens et initier des réflexions pour dénouer les difficultés dans lesquelles nous évoluons.

La Gare mondiale
13 rue Sergent Rey 24100 Bergerac
05 53 57 90 77 – contact.melkiortheatre@gmail.com
melkiortheatrelagaremondiale.com

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