Le boom des micro-folies musées numériques de proximité

Réalisé par Stéphanie Pichon en octobre 2022

Le dispositif de Musée numérique imaginé par La Villette maille la Nouvelle-Aquitaine de lieux culturels souples, agiles, aux visages diversifiés. 23 sont déjà ouverts sur les 91 projets en cours. Gros plan sur ces petites maisons de la culture 3.0 au logo rouge qui inventent d’autres pratiques culturelles dans les territoires les moins pourvus d’équipements.

Micro-Folie à la Ferme de Vaux, photo Nicolas Krief 

Micro-folie: mode d’emploi

C’est quoi ?

Un musée numérique regroupant des milliers d’œuvres parmi lesquelles les collections d’établissements nationaux les plus prestigieux – le Louvre, Versailles, le quai Branly ou le Centre Pompidou – mais également des collections européennes ou locales, des documentaires, des spectacles vivants – l’Opéra national de Paris, des jeux vidéo. Les équipements techniques – tablettes, casques de réalité virtuelle, écrans, FabLab… – se doublent d’une offre de programmation et d’animations en réseau.

C’est où ?

Partout en France, et même dans le monde. En Nouvelle-Aquitaine sont ciblées les communes ou CDC rurales et les quartiers politique de la ville, soit les territoires les plus dépourvus d’équipements culturels. Combien ça coûte ? En moyenne, 38 000 € d’investissement, avec une prise en charge de l’État jusqu’à 80%.

Où s’implantent-elles ?

Partout ! Tout dépend des locaux dont disposent les collectivités : une médiathèque, un centre culturel, un château ou un tiers-lieu flambant neuf. Certaines sont mêmes itinérantes, comme dans le Médoc.

Qui l’anime ?

Chaque Micro-Folie s’engage à recruter au moins une personne pour accompagner le public.

Qui déploie le projet ?

La Villette a imaginé le dispositif, accompagne les implantations, apporte un support technique et de programmation, et enrichit les collections. L’État finance l’investissement et la DRAC apporte ses connaissances et ses conseils, assurant la cohérence avec la politique culturelle à l’échelle régionale.

Les pionnières en Nouvelle-Aquitaine ?

La Souterraine (23), Saint-Jean-d’Angély (17), Soustons (40), Sainte-Livrade-sur-Lot (47).

Les toutes nouvelles ?

Poitiers (86), Ussel (19), Granzay-Gript (79).

Sophie Lecointe, directrice du pôle Démocratisation et action territoriale

L’Affût : Qu’est-ce qui intéresse le ministère de la Culture dans ce dispositif ?

Son aspect modulable : ces équipements s’adaptent à différents lieux et apportent des contenus culturels d’une qualité exceptionnelle. Chaque Micro-Folie est différente et permet d’aller à la rencontre des habitants sans avoir cette appréhension de rentrer dans un musée. On est souvent dans des structures de proximité, des lieux du quotidien – médiathèques, centres sociaux… En termes d’aménagement du territoire, le ministère de la Culture n’est plus dans la construction de nouveaux établissements, comme il a pu le faire, mais dans des équipements légers, installés dans de l’existant, avec un souci de proximité.

L’Affût : Ces Micro-Folies, dont les communes rurales comme les quartiers prioritaires et politiques de la ville s’emparent, correspondaient-elles à une attente des élu·e·s ?

L’outil les séduit ! Les élu·e·s sont sensibles à la présence de la culture sur leurs territoires, il y avait une attente, mais il fallait trouver le bon format. Cet outil innovant, y compris attrayant pour les jeunes avec son musée numérique en haute définition et ses tablettes, répond à la fois à des attentes et s’avère très facile d’usage.

L’Affût : Comment la DRAC accompagne-t-elle ces projets ?

C’est toujours la collectivité qui décide d’implanter le projet et prend en charge le fonctionnement du lieu et le recrutement. La DRAC n’apporte pas de financement dédié, mais nous avons une fonction de conseil d’ingénierie pour que le projet se mette en place et s’intègre, par exemple, à notre démarche de déploiement de l’Éducation Artistique et Culturelle.

L’Affût : Quels sont les ingrédients pour qu’une Micro-Folie réussisse son implantation ?

Le secret, c’est que la personne qui s’en occupe veille à renouveler la programmation, et à bien relayer la communication localement. Quand c’est le cas, cela fonctionne vraiment bien !

L’Affût : Trois ans après les premières ouvertures, quels sont les premiers enseignements ?

Les Micro-Folies sont toutes très différentes : itinérantes, installées dans des lieux du patrimoine ou dans des lieux de vie ; avec une très belle programmation, ou dans des propositions plus modestes. Les plus récentes bénéficient de l’expérience des autres, avec un effet réseau important. On a d’ailleurs la perspective d’avoir une personne mise à disposition par La Villette à la DRAC, pour l’animer, organiser des rencontres régulières et profiter de cette belle émulation.

L’Affût : Cette offre culturelle numérique marque-t-elle un changement de conception de la culture ?

Certains ont parfois émis un doute quant à ce virage numérique. Mais cette offre n’a pas vocation à se substituer au contact avec l’œuvre ! Avoir accès aux collections numériques du Louvre ou du quai Branly, accompagné par un médiateur, cela donne surtout envie ! On incite aussi les collectivités à valoriser leurs propres collections de musées de proximité, ou leurs archives, qui peuvent ensuite dialoguer avec les œuvres des musées nationaux.

Manon Neyrat, La Villette, responsable opérationnelle Micro-Folie, référente pour la Nouvelle-Aquitaine, la Corse, les Antilles et les territoires internationaux

L’Affût : L’appel à projets Micro-Folies de la Nouvelle-Aquitaine s’est achevé le 18 septembre. Où en est leur déploiement ?

À mon arrivée à La Villette en octobre 2020, on en comptait une vingtaine en Nouvelle-Aquitaine, tout état d’avancement confondu, dont quatre déjà ouvertes. Leur déploiement a débuté dès 2019 mais, à partir de janvier 2021, l’engouement a été renforcé par l’Appel à projets de la Préfecture de région et de la DRAC. L’objectif de 100 Micro-Folies a été fixé, en se basant sur un horizon de 1 000 au niveau national. Cet appel à projets a d’autant bien fonctionné que les 20 déjà implantées, comme celle de la Souterraine, ont pu donner envie aux élu·e·s ! Actuellement, 91 sont en cours, dont 23 ouvertes au public. La Dordogne et la Charente-Maritime en concentrent beaucoup, la Gironde est le département qui en compte le plus – une vingtaine.

L’Affût : Comment La Villette accompagne ces projets ?

Dès qu’une manifestation d’intérêt nous parvient, nous nous mettons en lien pour construire ensemble le projet, avec une ingénierie culturelle idoine. Nous rencontrons les équipes et élu·e·s sur place, évaluons ensemble les publics ciblés, les différents acteur·rice·s, les attentes aussi, qui diffèrent d’une collectivité à l’autre. Nous nous appuyons aussi sur les conseiller·ère·s de la DRAC et leurs connaissances du terrain. Ensuite, nous accompagnons la phase de financements et dotations, évoquons les postes, la RH, les partenariats. Une fois le matériel reçu, le lieu identifié, la collectivité signe une adhésion au réseau qui donne accès aux formations, soit deux jours de prise en main des outils et de la médiation, un accompagnement dans la programmation, notamment avec nos micro-festivals. Enfin, nous animons le réseau régional : on prend des nouvelles, on écoute les retours sur les collections qui sont enrichies constamment, on propose de nouveaux contenus et partenariats comme celui avec Ubisoft pour des jeux vidéo sur l’Égypte et la Grèce antique. Nous réunissons au moins une fois par an le réseau régional pour un temps d’échange, de partage de pratiques entre médiateur·rice·s. La dernière a eu lieu en juin dernier à la Micro-Folie de Soustons (40).

L’Affût : A-t-on des premiers retours sur la fréquentation ?

Je travaille à la préparation d’un questionnaire sur les publics. C’est une quantification complexe car certaines ont des fréquentations liées à une médiathèque ou un centre social. Pour d’autres, comme la Souterraine, c’est plus facile, car le public n’y vient que pour ça. On sait qu’en 2020-2021, alors qu’il y avait le confinement, elle a accueilli plus de 5000 personnes !

Sainte-Livrade, une pionnière

L’ancienne trésorerie générale de Sainte-Livrade-sur-Lot a pris des couleurs depuis 2019 : toute peinte de rouge, elle est devenue Micro-Folie. Une pionnière ! La deuxième en Nouvelle-Aquitaine, la première du Lot-et-Garonne. Pour les Journées du Patrimoine, Lucile Alet, sa médiatrice culturelle, a conçu un programme éclectique qui reflète tous les potentiels de ces collections numériques : un documentaire sur le rap conçu par Arte, un programme de découverte des collections québécoises ou une version du jeu Discovery tour dans l’Égypte ancienne !
Le maire de Sainte-Livrade, Pierre-Jean Pudal, décèle dès 2019 tout le potentiel du dispositif imaginé par la Villette pour dynamiser sa ville de 6500 habitant·e·s, dépourvue de structures culturelles en dehors de la médiathèque et de l’école de musique. Peu importe que les Micro-Folies ne soient pas encore aussi soutenues financièrement par l’État qu’aujourd’hui. « Faire venir le Louvre à Sainte-Livrade, territoire plutôt rural où beaucoup n’ont pas accès à ce type d’offre, c’était une grande chance ! La Micro-Folie permet cette ouverture à une culture pointue de façon très ludique, accessible pour toutes et tous. C’est aussi une vraie carte de visite pour notre commune, qui participe à son rayonnement. » La mairie opte alors pour un musée numérique et un FabLab avec webtv, trouve un lieu inoccupé, et se lance non sans l’appui de la Villette. « L’accompagnement sur l’ingénierie a été au top », témoigne Malika Pudal-Baffou, chargée du Développement territorial et de la Politique de la Ville, « avec une équipe efficace et disponible, qui est venue sur le territoire et a facilité l’aspect administratif, technique, logistique. »
Le Covid-19 a cependant été un coup dur et a stoppé net les premiers mois prometteurs, jusqu’à l’arrivée de Lucile Alet, en février dernier, qui a redonné un élan. La Micro-Folie touche aujourd’hui un large public scolaire, élabore des programmes main dans la main avec les enseignant·e·s de la ville, propose des temps pour les personnes âgées, les familles, les centres de loisirs, un programme de conférences thématiques. Tout y est gratuit, accompagné, sur mesure. « Nous n’avons pas à proprement parler de temps d’ouverture au public, excepté lors d’événements type Journées du Patrimoine ou festival de bande dessinée. Mais nos créneaux scolaires sont pleins jusqu’à la fin de l’année ! » De février à septembre, 1400 personnes y sont venues dont 50% de scolaires. Avec le recul, la municipalité mesure combien la question de cette médiation humaine était importante pour réussir l’implantation, ce qui a peut-être manqué les premières années. Enthousiaste, Lucile Alet ressent aussi le besoin d’un accompagnement de La Villette plus poussé en histoire de l’art, pour encore mieux appréhender la richesse des collections.
Un peu à l’étroit dans ses locaux, la Micro-Folie devrait connaitre une nouvelle impulsion à l’horizon 2024, au sein d’un tiers lieu construit sur un ancien site industriel. 400m2 dédiés, de nouveaux recrutements et un public encore plus large.

Micro Folie Sainte Livrade sur Lot
Place du 8 mai 1945, Sainte-Livrade-sur-Lot
facebook.com/microfoliesaintelivradesurlot

Crédits photos : Portrait Sophie Lecointe / Portrait Manon Neyrat

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