Lost in Traditions

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en février 2020

D’abord centré sur les musiques traditionnelles et populaires, le Collectif s’est peu à peu élargi à d’autres disciplines.

San Salvador – Lost in Traditions, photo Antoine Parouty

Un outil de production en milieu rural

Au terme de leurs études secondaires, de jeunes musiciens formés aux musiques populaires du Massif central décident d’unir leurs forces afin d’initier des projets professionnels. Ainsi naît en 2007 à Chamboulive (Corrèze) le Collectif Lost in Traditions, qui au fil des années et de l’intérêt manifesté par ses créateurs à l’égard d’autres champs artistiques, va se diversifier jusqu’à abriter aujourd’hui trois compagnies – Les Nuages Noirs, compagnie théâtrale jeune public, Le Zoo, spécialisé dans la musique et Les Travailleurs de la nuit qui rassemble des photographes, des graphistes, des vidéastes… – ainsi que La Manufacture, coopérative dédiée à l’action culturelle. « Dès l’origine, nous avons pensé le Collectif comme un outil de production/diffusion basé sur des valeurs d’entraide, de partage et de mutualisation », confie Gabriel Durif, cofondateur de Lost in Traditions et membre du groupe San Salvador intégré au Zoo. Ainsi, si chaque compagnie conserve son autonomie artistique, les subventions et coproductions sont en revanche sollicitées au nom du Collectif, ce qui simplifie certes les procédures administratives mais présente des inconvénients, comme l’impossibilité de cumuler des aides au projet (théâtre et musique, par exemple) et la nécessité de procéder à des arbitrages lorsque deux équipes créent en même temps. Malgré tout, Lost in Traditions – qui bénéficie du soutien de la DRAC, de la Région, du Département de la Corrèze et de la commune de Chamboulive – parvient à s’autofinancer à 70%, grâce aux marges artistiques dégagées sur la vente des spectacles et réinvesties en production. C’est ici que la solidarité prend tout son sens, le succès rencontré par les groupes de musique et notamment San Salvador qui tourne beaucoup en France comme à l’étranger, profitant à l’ensemble du Collectif. Et pas uniquement sur un plan financier. « Le fait que San Salvador investisse peu à peu certains réseaux de diffusion, ajoute Gabriel Durif, agit positivement sur les autres projets et la crédibilité de notre démarche commune. » La dernière création (Lemuel/Voyages minuscules) de la compagnie Les Nuages Noirs a bénéficié du soutien de l’OARA et d’une coproduction de L’Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle ainsi que d’accueils en résidence dans plusieurs lieux de Nouvelle-Aquitaine.
Avec cette reconnaissance institutionnelle qu’il entend affermir dans les années à venir, et alors que se profile une étape décisive (l’ouverture d’un tiers-lieu), Lost in Traditions espère bien remporter son double pari : défendre une ligne artistique singulière – « il s’agit de tisser des liens entre la mémoire, l’identité, la culture traditionnelle d’un pays et le monde d’aujourd’hui », explique Gabriel Durif – et permettre à des artistes de vivre et créer sur un territoire rural. Ceci sans jamais renier ses valeurs face à un secteur du spectacle vivant en constante mutation.

L’Affût : Le Collectif mène un projet culturel sur le territoire. Comment se décline-t-il ?

Gabriel Durif : D’emblée, il nous est apparu important de mobiliser un public auquel confronter notre processus artistique. Disposer d’un outil de production performant sur un territoire sans que celui-ci ne soit concerné n’aurait en effet pas de sens, et constituerait même un contresens. Nous animons trois ateliers hebdomadaires (autour de la musique vocale, de la musique instrumentale et de la musique traditionnelle du Massif central) destinés aux adultes à Tulle, ainsi que deux durant l’année dans des établissements scolaires du territoire. Ces derniers sont des ateliers de création, en écho avec des spectacles du Collectif, ce qui nous permet d’avoir des retours sur les sujets que nous explorons. Nous proposons par ailleurs des créations in situ, comme celle sur l’histoire des bals clandestins sous l’Occupation qui a donné lieu il y a quelques années à un travail d’enquête aboutissant à un spectacle créé avec les habitants et les participants de différents ateliers. Tous les deux ans, nous inventons un moment de création de cet ordre-là, intitulé « parachutage artistique », où nous faisons en sorte que le territoire devienne un acteur à part entière.

L’Affût : Vous souhaitez ouvrir un tiers-lieu avec le Centre régional des musiques traditionnelles en Limousin. Qu’y proposerez-vous ?

Nous envisageons effectivement d’ouvrir un lieu culturel partagé entre Lost in Traditions et le Centre régional, qui pourrait être abrité dans une grange, propriété du Collectif à Chamboulive (des compagnies y travaillent déjà l’été) ou ailleurs. La Communauté d’Agglomération de Tulle vient de nous accorder une subvention pour mettre sur pied ce projet, articulé autour des résidences de création. Nous accueillerons des équipes artistiques locales et régionales mais aussi nationales, puisqu’une partie du projet concernera les musiques populaires auxquelles peu voire pas de lieux sont consacrés dans l’Hexagone. Nous allons d’ailleurs faire valoir cette spécificité auprès du ministère de la Culture. Les tiers-lieux ne peuvent toutefois servir un objectif unique mais doivent favoriser les croisements, être des lieux de vie et de rencontres pour les habitants du territoire. On peut ainsi imaginer y organiser du co-working pour des graphistes, ou aménager des espaces pour des agriculteurs qui en auraient besoin.

Lost in Traditions
Mairie, Le bourg – 19450 Chamboulive
07 87 22 49 17 – contact@lostintraditions.com
lostintraditions.com

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