Maison Maria Casarès

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en avril 2017

Tout en développant un axe fort autour de la jeune création, la Maison Maria Casarès entend accroître son rayonnementgrâce à une grande diversité de propositions.

Maison Maria Casarès, illustration de Karine Maincent Studio Tokpa, Matthieu Roy et Johanna Silberstein, photo DR

Un site polyculturel

Nommés cet automne à la tête de la Maison du Comédien Maria Casarès, Johanna Silberstein et Matthieu Roy n’arrivent pas en terre inconnue. Une histoire ancienne les lie en effet à ce lieu où tous deux firent leurs premières armes et auquel leur compagnie (la Compagnie du Veilleur) fut associée de 2008 à 2009. Aussi, lorsqu’ils songèrent à expérimenter, cette fois à l’échelle d’un équipement, un projet artistique et politique, leurs regards se tournèrent-ils naturellement vers Alloue. Cette aspiration rencontra celle de l’Association et des partenaires publics, soucieux d’offrir un nouvel élan et une meilleure lisibilité à la Maison. « Ils attendaient des postulants, précise Matthieu Roy, qu’ils fassent preuve d’inventivité vis-à-vis d’un lieu qui est à la fois un Centre culturel de rencontre, une Maison des Illustres, une maison d’artistes, un ancien domaine agricole. » D’où le rêve élaboré par Johanna Silberstein et Matthieu Roy d’un site polyculturel, à l’écoute de la nature (les actions sont déclinées au rythme des saisons) et dont l’élément fédérateur est le soutien aux jeunes créateurs. Chaque printemps, quatre compagnies seront accueillies durant quatre semaines lors de résidences entièrement prises en charge par le lieu. À l’automne viendra le temps de la moisson, comprenez la mise en visibilité du travail des « jeunes pousses » auprès du public et des professionnels dans le cadre des Journées du Patrimoine. En matière de diffusion, la Maison renoue avec une programmation estivale – deux spectacles présentés et des visites guidées du domaine entre le 18 juillet et le 18 août, période où le domaine sera ouvert tous les jours – et consacrera le temps d’hiver à des « tournées de proximité ». « Une offre théâtrale faisant défaut dans des communes proches, nous avons décidé de proposer à celles-ci d’accueillir des spectacles techniquement légers », précise Johanna Silberstein.
Cet ambitieux programme s’enrichit d’autres volets : pédagogique, concrétisé par des ateliers menés en milieu scolaire autour d’un auteur jeune public qui donneront lieu à une restitution en mai, numérique, mais aussi agricole en lien avec l’aménagement des jardins ; chacune des orientations n’étant pas considérée isolément mais concourant à faire de la Maison Maria Casarès un laboratoire, apte, dixit Johanna Silberstein, à « insuffler une nouvelle vision de la société ». Même si le projet est encore en phase de préfiguration, ses initiateurs, forts du soutien de cinq partenaires publics (État, Région, Département, Communauté de communes et Ville), entendent bien affermir le cap d’ici 2020. « Nous voulons réaffirmer un ancrage local, tout en étant un lieu repéré pour l’émergence sur le plan national et en élargissant notre activité à l’Europe et au reste du monde », promet Matthieu Roy.

L’Affût : Votre projet comporte un volet agricole. En quoi consiste-t-il ?

Johanna Silberstein : Il participe de la réflexion que nous menons actuellement sur la réhabilitation des jardins et du potager. Nous aimerions développer un nouveau modèle de travail de la terre, afin que les compagnies accueillies en résidence consomment ce qui serait produit sur le domaine, dans un souci d’autosuffisance et de réduction des charges de la Maison. D’un point de vue pédagogique, nous souhaiterions proposer aux publics de découvrir comment les fruits et les légumes sont récoltés à travers la technique de la permaculture, les inciter à une plus grande diversité dans leur alimentation. Matthieu Roy : Nous allons organiser en mai trois journées de travail avec de jeunes architectes et paysagistes lauréats du concours Albums des jeunes architectes et paysagistes (AJAP) 2016 – dont fait partie Gaspard Pinta, notre scénographe – l’idée étant d’aboutir à des propositions concrètes d’aménagement des jardins et de réhabilitation de la maison principale. Ce volet va également nous permettre de tisser des liens avec le monde agricole. Le maire d’Alloue a souhaité aider les jeunes agriculteurs en mettant à leur disposition des espaces où tester de nouvelles techniques de maraîchage. Nous nous inscrivons totalement dans cette démarche, car les difficultés rencontrées par les jeunes agriculteurs sont semblables à celles des compagnies qui débutent.

L’Affût : Vous évoquez la mise en place d’un modèle économique « vertueux, circulaire et éco-responsable ». De quelle manière ?

Matthieu Roy : Il va se construire pas à pas, à travers des actions concrètes. À titre d’exemple, nous allons proposer à des compagnies structurées et conventionnées qui souhaitent être accueillies en résidence à l’automne (des créneaux sont encore disponibles) de s’acquitter d’un tarif journalier de 30 € comprenant la mise à disposition du lieu, l’hébergement et la nourriture. Cette participation financière permettra de couvrir, en partie, les frais liés à la présence des « jeunes pousses ». C’est un modèle économique vertueux car les compagnies qui accompliront ce geste sauront qu’elles « parrainent » des artistes émergents, tout en venant créer elles-mêmes à moindre coût.

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