Mieux produire, mieux diffuser
« Assumer nos responsabilités en tant que producteur, diffuseur, financeur. »
Entretien avec Maylis Descazeaux, directrice régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine.

Wendy Wei ©pexels.com
Le plan « Mieux produire, mieux diffuser » de la DGCA* qui circule depuis juin 2023, fait le constat, pas si récent, d’un excès de productions artistiques, sous-financées, mal diffusées, constat qui apparaissait déjà dans le rapport Latarjet, les entretiens de Valois ou la récente synthèse du Syndeac. Comment va-t-il se mettre en place en Nouvelle-Aquitaine ?
L’Affût : Ce plan est-il une nouvelle façon de penser la production de spectacles et si oui, quels en sont les nouveaux axes ?
Maylis Descazeaux : La question centrale de ce plan se résume en un mot, la responsabilité. Il s’agit d’assumer nos responsabilités en tant que producteur, en tant que diffuseur, en tant que financeur. Responsabilité vis-à-vis des artistes, vis-à-vis de l’ensemble des acteurs du système, et vis-à-vis de l’environnement aussi. L’enjeu est de mieux produire, en assumant qu’il y ait moins de productions, en nombre. Ce qui ne signifie pas moins d’équipes !
L’idée est de ne plus se retrouver systématiquement dans l’option d’une création par an, mais d’avoir les moyens d’une création mieux pensée, avec un temps disponible qui laisse place à l’audace, à la recherche. Il s’agit aussi que la création ait une durée de vie plus longue, et une diffusion plus responsable.
L’Affût : Ce plan concerne-t-il tout le monde des arts vivants — compagnies, lieux, etc —
ou seulement les scènes labellisées ?
MD : Cela concerne les lieux du théâtre public mais également du privé.
Si on veut des séries plus longues, ou des dates plus cohérentes, la diffusion doit pouvoir s’organiser dans des lieux moins habituels. Et, oui, cela concerne tout le monde : les lieux, les programmateurs, les producteurs, les diffuseurs, les artistes, le catering… Nous souhaitons toucher toute la chaîne, se donner les moyens de regarder l’impact sur l’économie et l’emploi, pour ne pas passer au travers d’un effet pas anticipé.
L’Affût : Comment les cadres d’intervention de la DRAC vont-ils s’adapter à ce nouveau plan ?
MD : Nos cadres d’intervention, qu’il s’agisse du cahier des charges ou du nombre de créations demandées, devront bien sûr prendre en compte les principes de responsabilité de « Mieux produire, mieux diffuser. »
L’Affût : Le plan appelle à un « cycle intense de concertation dès septembre 2023 ».
Quel en sera le calendrier en Nouvelle-Aquitaine ?
MD : Très concrètement, nous avons déjà eu une série d’échanges sous la houlette du CNPS, et on a présenté le dispositif en COREPS* avec qui nous allons prolonger les échanges. Nous allons discuter avec les collectivités locales, dans le cadre du CLTC**** mais aussi par secteur. Par exemple, la question de la diffusion dans le champ chorégraphique, des séries, se pose différemment que pour le théâtre. L’objectif, dans les semaines qui s’ouvrent, est de mettre ce plan en discussion avec chacun des acteurs, repérer les spécificités, qu’elles soient sectorielles, géographiques. Nous allons aussi en discuter avec les compagnies, chargés de diffusion, bureaux de production. Le cycle de concertations et rencontres se poursuivra jusqu’à la fin de l’année. Nous ajusterons ensuite en fonction des échanges avec les partenaires, pour savoir quel organisme s’empare de quoi. Le calendrier pour 2024 sera précisé en fin d’année.
L’Affût : Le plan insiste sur les questions de coopération et mutualisation, qui sont déjà amorcées. Avez-vous des exemples qui fonctionnent en région ? Comment les renforcer dans le futur ?
MD : Il existe effectivement déjà plein d’exemples en Nouvelle-Aquitaine, je pense aux huit Scènes Nationales qui se sont regroupées l’an dernier pour produire, financer, faire tourner intelligemment la pièce Encantado de la brésilienne Lia Rodrigues. Il y a également la coopération entre les Opéras de Bordeaux et Limoges, sur la production « zéro achat » qui permet d’avoir des productions avec seulement de la récup ou le réseau 535, qui est un endroit de réflexion sur la diffusion de spectacle vivant plus responsable. L’idée est d’aller encore plus loin, d’être plus incitatifs, que la coopération devienne un réflexe, que l’isolement n’existe plus demain.
L’Affût : Au moment où la Région va voter ses nouveaux règlements d’intervention notamment sur la transition écologique dans la culture, existe-t-il des échanges pour articuler les missions avec celles de la DRAC ?
MD : Nous avons eu un échange avec le Conseil régional fin septembre pour nous présenter l’état d’avancement de leur nouveau règlement d’intervention. On a commencé à le croiser avec « Mieux produire, mieux diffuser », pour comprendre où nous nous rejoignions et où nous étions plutôt complémentaires. L’idée n’est pas d’être tous alignés sur les mêmes axes d’intervention mais qu’on le fasse de manière intelligente, responsable et concertée. La compétence partagée autour de la culture est un vrai enjeu démocratique, il faut qu’on soit attentif à bien se coordonner.
L’Affût : La ministre de la Culture a annoncé un budget de 9 millions d’euros pour la mise en œuvre de ce plan, quels seront les moyens alloués à la Nouvelle-Aquitaine ?
MD : Nous allons avoir fin octobre un dialogue de gestion avec le ministère pour expliquer ce qu’on fait en Nouvelle-Aquitaine, et les moyens dont nous avons besoin.
Le ministère fait ensuite une synthèse et répartit les moyens. Nous serons vigilants à ce que les moyens alloués soient proportionnels à la taille de la région, même si cela ne rentre pas dans les critères
de répartition ! Tout sera décidé en 2024, au fur et à mesure que les initiatives seront suffisamment avancées. Le plan est connu depuis peu de temps, parfois pas connu du tout, il faut encore un travail de pédagogie et laisser le temps aux acteurs d’en saisir les enjeux.
*Direction Générale des Affaires Culturelles
**Conseil national des professions du spectacle
***Comité régional des professions du spectacle
****Conseil local des Territoires de la culture
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