Mon métier – Directeur – Frédéric Durnerin

Réalisé par Marion Ecalle en février 2023

Ce numéro de L’Affût vous invite à faire connaissance avec Frédéric Durnerin, directeur du PNC (Pôle National Cirque) – L’Agora.
Il nous raconte son métier, comment il l’exerce et comment il se projette.

Secret, Cirque ici, Johann Le Guillerm

Portrait de Frédéric Durnerin

L’Affût : Décrivez-nous votre poste ?

Frédéric Durnerin : Je dirige l’Agora, lieu labellisé Pôle National Cirque de Boulazac Aquitaine. 10 salariés permanents travaillent au sein de ce lieu culturel.

Je porte un projet artistique et politique et tente de continuer à le faire grandir en permanence – ce qui ne signifie pas obligatoirement faire plus, plus gros… Dans ce contexte, je dois faire en sorte que le lien public-lieu culturel reste fort, et que l’ensemble des partenaires publics et politiques aient toujours le désir de soutenir ce projet exemplaire au titre des politiques publiques de la culture. En plus de 20 années, j’ai évolué avec un projet que j’ai contribué à faire grandir, non pas seul, mais avec les élus, les salariés, les collègues… Cette histoire s’est construite collectivement. Au quotidien, mon travail s’articule autour de trois axes : les relations avec le monde artistique, les échanges avec les élus et les institutionnels, et la gestion de l’équipe. Cette dernière a été renouvelée par moitié cette année ; elle est jeune, féminine, prête à affronter les défis immenses et actuels de notre champ d’activité. La programmation est la part visible de ma fonction. Elle a ses règles, sa dynamique, qui tiennent ici plus de la construction d’un récit que d’une programmation « catalogue ». Il importe d’être en permanence en mouvement… Aller voir des spectacles, les coproduire, les accompagner en amont, être en éveil, tendre la main à des jeunes équipes, et ne pas se détourner des équipes plus anciennes.

L’Affût : Quel a été le déclencheur, comment avez-vous démarré dans ce métier ?

J’ai démarré assez jeune, à 25 ans, en codirigeant à Lyon un lieu associatif proche du fonctionnement café-théâtre. J’y ai fait mes premières rencontres artistiques, mes premières armes… On accueillait des compagnies pendant 3 ou 4 semaines, sur de grandes séries donc, et un événement important, festif, dédié à l’espace public ponctuait chaque saison… J’ai ensuite été directeur-adjoint et de la communication au Rive gauche, à St-Étienne du Rouvray. Mon rapport au métier relève d’abord d’un apprentissage au long cours, basé sur des rencontres et sur des engagements militants. Je me suis d’emblée inscrit dans un parcours construit par mes actes, un parcours mené avec mes pairs, avec les conseils de quelques grandes voix de l’institution publique. En parallèle, j’ai mené un double parcours universitaire en sciences sociales – DHEPS, diplôme des hautes études en pratiques sociales à Lyon II, et en développement culturel – Master 2 Lyon II. Les réflexions intellectuelles ainsi mises en perspective m’ont permis de questionner la façon dont la direction d’un lieu fait de celui-ci un espace ouvert, exigeant, politique… In fine, mon parcours pro présente peut-être quelques vérités mais surtout des lignes de force intangibles : les gens et le populaire.

L’Affût : Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

J’aime articuler des récits d’artistes ou de compagnies sur un temps long et dans des contextes différents. J’aime trouver avec eux les conditions d’un développement, et mettre en partage une certaine agilité pour avancer, pour aller vers des endroits où l’on va peu.

La Compagnie l’MRG’ée / Marlène Rubinelli-Giordano, artiste associée à l’Agora depuis 4 ans, a participé au projet de coopération que nous menons au sein de l’école de cirque de Palestine de Ramallah, en lien avec le camp de réfugiés de Birzeit. Cela me fait aussi penser au projet clown que nous avons au Liban dans certains lieux de la fin de vie. Ce sont de très beaux projets de coopération, basés sur la réciprocité, l’hospitalité, l’engagement. Enfin, nous avons ouvert la saison avec un spectacle de douze artistes de cirque réfugiés ukrainiens.

L’Affût : Un projet à partager ?

Le projet Horizon de Raphaëlle Boitel | Cie L’Oublié(e), compagnie associée au PNC, est l’une des coopérations institutionnelles et politiques les plus exemplaires que nous avons pu mener. Son dernier spectacle Horizon Cathédrale Saint-Front a permis à Raphaëlle d’investir les toits de la cathédrale St-Front de Périgueux dans le cadre du dernier festival Mimos. Ce spectacle hors normes a réuni une quinzaine d’acrobates/free runners qui ont investi le cloître, les coupoles et l’intérieur de la Cathédrale. Chaque soir, 1 000 personnes ont pu assister à ce spectacle qui, au-delà de ce réel succès, a permis de réaffirmer la puissance et la capacité de la scène publique à produire une forme populaire et exigeante.

L’Affût : Vos grands chantiers à venir ?

Continuer à poser la question du développement territorial du cirque en Nouvelle-Aquitaine, en lien avec les acteurs en place.

Nous devons penser les relations entre les labels d’État et les territoires. Avec Sciences Po Bordeaux et L’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux, nous lançons une étude sur la question de l’articulation et de la coopération entre les lieux labellisés et les lieux non institués. Parallèlement, nous poursuivrons les coopérations internationales.

L’Affût : Votre métier dans 10 ans ?

Les relations entre lieux labellisés et lieux intermédiaires seront donc au centre des évolutions, en écho à la question internationale. Conjuguer exigence artistique, présence renforcée des artistes sur les territoires, accepter les nuances territoriales comme une richesse et non comme une anomalie. Accompagner et valoriser, ce qui figure déjà dans l’ADN des PNC impliqués sur leur territoire et engagés par ailleurs dans de nombreuses collaborations pour une plus grande circulation des œuvres.

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