Olivia Grandville donne un nouveau cap au CCN de La Rochelle

Réalisé par Sarah Le Blé en octobre 2022

Le Centre Chorégraphique National de La Rochelle se déploie en « Mille plateaux » sous la direction d’Olivia Grandville, qui a pris les rênes du centre début 2022. Ouverture, prolifération horizontale, formes indisciplinées et convivialité

font partie des valeurs fondatrices du projet.

MillePlateaux, photo Jocelyn Cottencin

Mille plateaux, mille pratiques

D’abord il y a ce lieu. La chapelle jésuite construite au XVIIe siècle, devenue Centre Chorégraphique National depuis 1994, qui abrite une surface de 400 m2 au sol. Un lieu rempli de contraintes, architecturalement marqué, en plein centre-ville mais en retrait. « Nous avons fait le choix de déshabiller la chapelle, de lui redonner son identité tout en permettant aux artistes de la retourner dans tous les sens. » Trois tribunes mobiles réalisées par le scénographe Sallahdyn Khatir permettent en effet de proposer des spectacles en bi- voire tri-frontal, où le·la spectateur·rice peut aussi être amené·e à se déplacer. « Cette configuration mobile laisse une grande latitude d’invention. » Par ailleurs, le dispositif Lumière, installation lumineuse et pérenne conçue et réalisée par Yves Godin, offre un confort de jeu pour le travail des artistes à l’année. Le tout dans un souci écologique affirmé.
Si son prédécesseur avait axé le projet artistique autour de son propre travail, Olivia Grandville souhaite orienter les missions de Mille Plateaux vers la diffusion et la chorégraphie, dans un souci de transmission, avec de nombreuses activités proposées : les Travaux Publics, proposés dans le cadre de l’Accueil Studio, sortes de sorties de résidence où le public est convié au processus de fabrication ; l’Open-studio, chaque semaine en accès libre aux danseur·se·s professionnel·le·s et amateur·rice·s ; l’invité mystère, rendez-vous bi-mensuel (le dimanche matin) ouvert à tou·te·s, avec une initiation de deux heures proposée par un intervenant surprise ; les Plateaux-repas, sortes de pique-niques chorégraphiques autour d’une thématique ; des rencontres-conférences, du dance-floor… Mille Plateaux se veut un lieu dynamique, ouvert et accessible à tou·te·s, y compris d’un point de vue tarifaire : les animations proposées sont soit gratuites soit au tarif de 5 €.

1 000 techniques
Si Olivia Grandville a trouvé sa voie dans la danse, c’est aussi pour l’esprit d’ouverture et la notion de croisement que cette danse recouvre : « Toutes les techniques peuvent se croiser au sein de la danse contemporaine, qui est une manière d’envisager la danse en lien avec l’histoire de l’art, car la pensée véhiculée sur le corps est façonnée par les cultures. »
Cette approche transpire bien évidemment dans le projet de Mille Plateaux, qui compte également deux compagnies associées : La Tierce (Bordeaux), qui défend la danse comme forme poétique, et le collectif Es, qui développe un travail de recherche chorégraphique, en lien avec les danses populaires. Le Centre accueille également des artistes en résidence (entre 5 et 8 par an).
L’espace numérique n’est pas en reste avec le projet de laboratoire Faune : « Il s’agit d’une plateforme pour les artistes du champ chorégraphique qui s’intéressent au numérique ; elle sera conçue comme une collection particulière dont César Vayssié se fera le curateur. » (ifaune.net)
La chapelle Fromentin a beau se situer en plein cœur du centre-ville de La Rochelle, elle reste assez mal connue des habitant·e·s. Mille Plateaux vise aussi à y remédier. Y compris en rouvrant, pour la soirée de lancement de saison vendredi 7 octobre, l’accès au collège auquel le monument se trouve historiquement rattaché. L’ouverture de saison sera suivie le lendemain du vernissage de l’exposition « 24 mouvements / seconde » présentant une installation de films de danse jusqu’au 27 octobre.

L’Affût : Quel est votre parcours de danseuse et comment êtes-vous venue à la chorégraphie ?

J’ai débuté ma carrière comme interprète classique à l’Opéra de Paris, dont j’ai démissionné à 23 ans, en 1988, par « instinct de survie ». Je ne supportais plus ni la dureté, ni la compétition, ni l’organisation très hiérarchique de cette maison, mais j’y ai aussi forgé ma formation politique. Je me suis donc tournée vers le contemporain et la compagnie Bagouet où j’ai découvert tout un monde de possibles et de création.
J’ai commencé en parallèle un travail de chorégraphe, souvent habitée par le rapport au texte et au langage : j’affectionne particulièrement les analogies de sens et de rythme qui peuvent apparaître dans le phrasé d’un texte comme dans celui d’une danse. Ce n’est pas par hasard si j’ai baptisé mon projet pour le Centre Chorégraphique National de La Rochelle « Mille Plateaux », en référence à l’ouvrage de Felix Guattari et Gilles Deleuze, particulièrement remarquable pour les ramifications et les liens entre des choses très différentes qu’il établit.

L’Affût : Quelle vision de la danse défendez-vous ?

La danse est à la fois une pratique artistique, festive, sociale, parfois religieuse ou encore une forme de soin, c’est tout cela à la fois. Un art du lien qui ouvre sur d’autres disciplines, d’autres champs de la connaissance. C’est cela que la danse contemporaine veut défendre. Il ne s’agit pas d’une technique, mais d’une forme poétique et politique, éminemment pluridisciplinaire, qui questionne la place du corps dans nos sociétés.
Malheureusement le mot « danse » véhicule beaucoup trop d’a priori : le classique pour les filles, le hip-hop pour les garçons… C’est important de briser les barrières solides construites par les clichés et la peur, ou encore le sentiment de non appartenance… et d’aller chercher les jeunes. Nous avons à cœur d’ouvrir ce lieu au maximum, sous diverses formes. À commencer par le vendredi 7 octobre, date d’ouverture de saison.

CCN – Mille Plateaux
14 rue du Collège 17000 La Rochelle
05 46 00 00 46 – contact@milleplateauxlarochelle.com
milleplateauxlarochelle.com

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