Olivier Villanove

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en avril 2019

50 mètres, la légende provisoire, Agence de Géographie Affective, photo Julie Chaffort

Réenchanter le monde

Autant qu’il sen souvienne, Olivier Villanove confie avoir toujours été porté par « une urgence de dire, de raconter, d’être en relation avec le monde ». Alliée au goût du voyage transmis par ses parents qui l’emmenaient sur leur voilier sillonner la Méditerranée, cette disposition d’esprit l’incite à suivre des études en médiation socio-culturelle. Mais c’est lors d’un voyage au Québec, où le Festival interculturel du conte de Bordeaux Saint-Michel (devenu Chahuts) l’envoie en 2001 découvrir le milieu du conte, que sa vocation va pleinement se révéler. Là-bas, sa route croise celle d’une figure mythique de la scène québécoise, Claudette L’Heureux, qui, décelant immédiatement chez lui des aptitudes de conteur, entreprend de le former. Dès lors et durant cinq ans, Olivier Villanove multiplie les allers et retours entre la France et le Québec, tout en créant le Collectif Passeurs de contes à Bordeaux et en forgeant son propre univers artistique bientôt salué en 2005 par deux Prix que lui décerne La Maison du conte de Chevilly-Larue pour un extrait de son spectacle Les Dessous Urbains. Si sa carrière est bel et bien lancée, le jeune artiste n’a pas encore étanché sa soif de connaissance et de questionnements. Aux côtés de divers collectifs, il s’initie au clown, au slam et à la danse, explore le travail de collectage avec son spectacle Ta bouche que j’aime tant embrasser, est-ce que tu peux la fermer ? et surtout décide de faire de l’espace public son terrain de jeu privilégié. Aussi fonde-t-il en 2009 avec le géographe Thierry Lafollie L’Agence de géographie affective qui développe des créations in situ, avant de suivre la Formation avancée et itinérante des arts de la rue (FAI-AR). À partir de 2014, Olivier Villanove se consacre à des réalisations plus personnelles, qui se partagent entre spectacles (Dormeuse puis Le retour des rois d’Iran, inspiré d’un séjour de recherches à Téhéran), commandes ou créations infusées sur un territoire, tel le projet Ici, maintenant ?, mené avec le créateur sonore Christophe Modica et interrogeant la transformation des lieux.
Loin de la figure habituelle du conteur solitaire, l’artiste aime s’entourer de comédiens, danseurs, chorégraphes, plasticiens ou vidéastes pour aborder les thématiques qui lui sont chères : la liberté de parole, le courage de traverser ses peurs et de faire tomber ses a priori, la rencontre avec l’autre. « La seule question que je me pose est celle de raconter des histoires, ce qui peut se faire assis sur une chaise, mais aussi en utilisant le corps et le mouvement », affirme-t-il. Repoussant sans cesse les limites de son art, Olivier Villanove a également élargi au fil du temps son périmètre d’action. Outre une solide implantation en Nouvelle-Aquitaine, il se produit en Bretagne, en Lozère, dans le Jura, collabore avec des compagnies alsaciennes et franc-comtoises. Bien que ce rayonnement le conduise à être souvent sur la route, il sait prendre le temps de se poser pour s’adonner à sa véritable passion : la recherche partagée avec d’autres créateurs, cette dimension de « laboratoire » indissociable de sa pratique artistique.


L’Affût : Comment percevez-vous la place du conte dans le spectacle vivant, mais aussi celle du conteur dans la société actuelle ?

Olivier Villanove : Les conteurs peuvent apparaître comme les enfants pauvres du théâtre, leur art étant parfois considéré comme mineur parce que se déployant dans des lieux moins exposés. Ce peut être néanmoins une chance, car de nombreux espaces d’expression encore inexplorés s’offrent ainsi à eux. Dans nombre de régions et de départements, je réussis à identifier quelques conteurs qui réussissent à tourner sur leur territoire, et parfois même sur le plan national. Dans la société actuelle, le conteur occupe une place importante. À l’heure où les politiques et les médias monopolisent le discours, retrouver le rapport à une parole sensible, partagée, qui favorise la rencontre, me paraît en effet primordial. Le conte permet de créer des espaces de convivialité où les publics peuvent exprimer librement leurs ressentis.

L’Affût : Parlez-nous de votre prochaine création jeune public, 50 mètres, la légende provisoire…

Je souhaitais interroger la place de l’enfant dans l’espace public, mais aussi ce que signifie être un enfant en 2019. J’ai alors découvert une étude sociologique qui indiquait que la distance d’autonomie des enfants s’était considérablement réduite, passant de 7 km du temps de mes grands-parents à 50 m aujourd’hui. La création s’est construite autour du réenchantement de l’espace public par le regard de l’enfant. Dans les histoires que nous raconterons, les spectateurs exploreront une zone de 50 m autour d’un point central à la recherche d’enfants disparus qui les conduiront vers leur propre espace de jeu, un espace imaginaire différent selon le récit proposé. Ce projet, qui rassemble trois comédiens et un circassien, est très écrit mais s’inscrit aussi dans un processus de médiation puisque nous invitons chaque fois un groupe d’enfants à devenir complice de la création et à faire partie intégrante du spectacle.

Agence de Géographie Affective
2 cours du Maréchal Juin 33000 Bordeaux
06 89 64 38 19 – geoaffective@gmail.com – geographieaffective.fr

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