Scène Nationale d’Aubusson – Théâtre Jean Lurçat

Réalisé par Stéphanie Pichon en juillet 2021

L’une des plus petites scènes nationales prend un nouveau virage avec l’arrivée de Christine Malardqui met l’accent sur la pluridisciplinarité, l’hybridation et des partenariats étendus. La saison estivale 2021, jusqu’au 13 août,en donne un avant-goût.

Photo Pascal Dacasa

Un projet ancré sur son territoire et ouvert sur la diversité

Ce fut une passation en catimini. En pleine fermeture des théâtres, Gérard Bono, directeur depuis 2002 de la Scène nationale d’Aubusson Théâtre Jean Lurçat, est parti en retraite laissant sa place à Christine Malard, jusque-là secrétaire générale du théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine. Arrivée le 1er février, cette dernière a dû patienter quelques mois avant de rencontrer le public, lors du festival Au bord du risque, organisé malgré tout fin mai.
Le théâtre Jean Lurçat, créé en 1981, labellisé en 1991, est l’une des plus petites scènes nationales de France, avec ses 1,1 million de budget, ses dix salariés, sa salle de 240 places et ses 15 000 spectateurs à l’année. Si elle a connu des remous en 2018, financiers et politiques, la structure envisage son avenir sereinement avec une directrice enthousiaste, qui apprécie un équipement à taille humaine dans cette ville de Creuse de 3 600 habitants. « En étant une des plus petites scènes nationales, Aubusson fait preuve d’une grande souplesse et d’une agilité qu’on ne trouverait pas ailleurs. »
L’orientation historique de la structure pour le théâtre devrait connaitre un rééquilibrage disciplinaire. « Je veux être attentive à la danse et la musique, ouvrir les résidences de création à d’autres disciplines que le théâtre. Je souhaite faire œuvre et culture commune à travers l’hybridation artistique. J’aimerais trouver des propositions qui mélangent les genres et disciplines. » Les trois compagnies nationales associées pendant trois ans témoignent de cette volonté – Libertivore, Les Anges au plafond et Le Théâtre Majâz –. Deux autres compagnies de Nouvelle-Aquitaine développeront aussi des rapports privilégiés avec le théâtre : Les veilleurs de Matthieu Roy, dont la maison Maria Casarès (Alloue, Charente) deviendra aussi un lieu partenaire, et la Volige de Nicolas Bonneau à Niort. Cela ne signifie pas pour autant que le théâtre sera écarté. « La proximité avec l’Académie de l’Union est une grande chance, et il est de notre responsabilité d’accompagner ceux qui en sortent. Et puis il y a les classes théâtres. Aubusson est une des seules villes en France où l’on peut faire du théâtre de la 6e à la terminale ! », précise la directrice.
Christine Malard cultive aussi le goût de partenariats avec des structures de toutes tailles. L’incontournable Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson en fait évidemment partie. « Nous souhaitons inviter des artistes en commun, relier arts vivants et arts plastiques, avec l’idée, notamment, d’un appel à projet ». D’autres liens sont tricotés avec La Métive à Moutiers d’Ahun et les Zébrures d’automne d’Hassane Kouyaté à Limoges. Ces maillages se construisent également avec des structures plus modestes, comme l’association Émile a une vache (L’Atelier de Royère-de-Vassivière), le Théâtre Hélios ou le tout nouveau festival Précaire. La saison culturelle qui se déroulera tout l’été, principalement en extérieur, sera une bonne illustration de ces lignes de force. Marionnettistes, comédiens, danseurs ou circassiens seront à découvrir en famille, à Aubusson et dans les villages de Creuse, avec une attention particulière aux temps conviviaux.

L’Affût : Comment s’est passé votre prise de fonction, dans un théâtre fermé ?

Christine Malard : Il y a d’abord eu la frustration d’arriver dans un théâtre qui ne peut accueillir le public, mais je l’ai vite compensée avec l’équipe, en allant dans les écoles, collèges et lycées de Creuse à l’occasion de représentations scolaires. Cela a été une façon de nous mettre au travail ensemble, et de tisser ce lien entre les artistes, les œuvres et les jeunes. Nous avons partout été très bien accueillis, peut-être encore plus que d’habitude, tant tout le monde était en manque de lien. Finalement, c’était une belle façon de commencer à travailler sur ce territoire. Il faut souligner à quel point aussi j’ai été très accueillie par l’équipe, avec beaucoup de bienveillance.

L’Affût : La prise de contact avec les acteurs du territoire a-t-elle été facile ?

J’ai eu plus de temps qu’à la normale pour les rencontrer et sillonner la Creuse. Tout le monde a fait preuve d’un vrai engagement et, dès cet été, les partenariats se mettent en place. Cela a conforté mon intuition : celle d’un territoire qui fait preuve d’une grande solidarité, d’une vitalité et d’une capacité à imaginer très rapidement des projets ensemble.

L’Affût : Comment se passe la réouverture ?

Nous avions imaginé une saison estivale, mais pas forcément une réouverture aussi rapide ! Gérard Bono avait déjà préparé la programmation du festival Au bord du risque, qui a lieu tous les 2 ans. On s’est posé la question, puis on s’est dit « On y va ! ». On l’a organisé en trois semaines. Il a fallu contacter les artistes, faire les contrats en urgence, réserver les nuitées, les repas, communiquer, rassurer aussi, tant le lien avec les spectateurs avait été distendu. Certains ont envie de revenir mais sont encore un peu inquiets. Le festival a affiché complet sur chaque représentation ! Je les ai sentis joyeux, bavards aussi, comme des amis qui ne se sont pas revus depuis longtemps. On peut donc être confiant pour la suite. Je suis de nature optimiste, et je crois que ce manque de culture a aussi suscité beaucoup de désir.

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