Scène nationale du Sud-Aquitain

Réalisé par Stéphanie Pichon en février 2023

À cheval sur quatre villes du Pays basque, la Scène nationale du Sud-Aquitain déploie un projet nomade et ambitieux. L’arrivée de Damien Godet en 2019, à la direction de ce nouvel EPCC, a ouvert la programmation aux esthétiques théâtrales contemporaines, créé des fidélités avec des artistes et agité de nouvelles relations au public, via sa 5e scène.

Théâtre Quintaou / Salle Apollo / Théâtre Quintaou

Eclatée et nomade

D’Anglet (Théâtre Quintaou) à Bayonne (Théâtre Michel Portal), de Saint-Jean-de-Luz (chapiteau et future salle) à Boucau (Apollo), les spectateur·rice·s autant que les 25 permanent·e·s de la Scène nationale du Sud-Aquitain, ont pris l’habitude de voyager au fil : un nomadisme qui fait partie de l’ADN de cet EPCC créé autour de quatre villes voisines. Depuis 2019, la Scène nationale aux 3,3 millions d’euros de budget, dirigée par Damien Godet, porte donc un projet éclaté, comme d’autres dans la région (l’Empreinte à Brive et Tulle ou le Carré-Colonnes à Saint-Médard et Blanquefort).

L’une des missions de Damien Godet, arrivé du festival d’Avignon, était de renforcer le théâtre, notamment la création contemporaine, même si la saison reste largement pluridisciplinaire. C’est chose faite, dans cette programmation aux 50 spectacles où se côtoient des grands noms de la scène internationale et nationale : Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, ou Gaëlle Bourges – tous deux « artistes à suivre » dont plusieurs spectacles sont montrés dans la saison –, et des équipes locales dont les « artistes compagnons » que sont le collectif Bilaka, accompagné par le lieu depuis leur éclosion, ou Stéphane Garin musicien de l’ensemble 0.

Depuis 2019, c’est aussi un autre rapport aux publics qui se dessine : les adhésions prennent la place des abonnements, la saison est déclinée au fil de brochures trimestrielles qui éclairent des parties moins visibles du travail – résidences, actions culturelles. Cette relation au public se manifeste dans la 5e scène, où se retrouvent amateurs, scolaires, artistes, dans des ateliers, des créations participatives ou sur une webradio aux formats audacieux. Attentive à une médiation toujours réinventée, l’équipe privilégie aussi des projets EAC qui s’éparpillent moins et s’inscrivent dans le temps long. La dimension partenariale a été renforcée auprès de scènes labellisées et de festivals du périmètre : la SMAC l’Atabal et le CCN Malandain à Biarritz, les festivals Le temps d’aimer la danse ou Ravel.

Installée au cœur du Pays basque, la Scène nationale est aussi poreuse à une culture, une langue. « Oui, il existe une identité forte, multiple, au croisement de la culture basque et de la culture gasconne, témoigne Damien Godet. C’est une chance et une force pour ce territoire. Il me semble important de provoquer des rencontres, que ces langues et cultures dialoguent, s’écoutent, se respectent, partagent. » Ainsi programme-t-il en février le groupe basque Haratago avec les Corses de L’Alba. « Cela m’amuse d’en jouer, sans me faire enfermer. Je suis attentif à conserver une neutralité politique, même si je pense que la diversité des langues est une vraie nécessité. »

Temps fort : Absurdités protéiformes
Absurdités protéiformes, dont c’est la 2e édition, réconcilie la création contemporaine et l’esprit léger et décalé, malgré la gravité de l’époque et des sujets abordés. Cette année, le thème du détournement tient lieu de fil rouge. Gaëlle Bourges livre une vision farfelue et personnelle de La Dame à la Licorne, Tânia Carvalho déjoue les codes du ballet, Les Gros patinent bien délirent au milieu de cartons, et Thomas Poitevin « joue avec ses perruques ».
Du 21 février au 11 mars.

L’Affût : Programmer sur quatre villes, quatre théâtres, est-ce une contrainte, ou un atout ?

Damien Godet : C’est une vraie singularité, qui pose bien sûr des questions pratiques, budgétaires… Mais c’est aussi une chance d’avoir une telle diversité d’équipements, qui permet d’accueillir des spectacles de nature différente : l’Apollo est plutôt un lieu pour la musique, le nouveau lieu qui sort de terre à Saint-Jean-de-Luz permettra d’accueillir des formes variées, Anglet offre une grande et une toute petite salle. Une des contraintes c’est que nous avons partout des jauges assez importantes : entre 580 et 760 places, qui nous obligent à programmer en fonction. Un plateau pour 200 à 300 places nous permettrait d’accueillir des formes plus pointues ou émergentes. Au final nous sommes une Scène nationale très nomade, les équipes et le matériel techniques et de billetterie, passent d’un théâtre à l’autre.

L’Affût : Une autre particularité, c’est sa position géographique, tout au Sud, collée à la frontière espagnole.

Oui, il existe une position singulière de la Scène nationale, au cœur du Pays basque. Le volet transfrontalier reste à développer, car les échanges et collaborations ne sont pas si simples. Autant le territoire vécu a une vraie logique transfrontalière, autant les cultures sont très différentes dans les habitudes de travail, les processus, les logiques de coproduction, la programmation – moins anticipée que nous – les réseaux ou les labels, qui n’existent pas côté espagnol. Cela demande de travailler différemment et d’individualiser les relations avec les partenaires. Il y a une vraie marge de progression, pour trouver les moyens de collaborer, d’accueillir des projets qui viennent de l’autre côté et de leur en proposer. Mais nous y sommes parvenus avec Gernika, la création de Martin Harriague pour le collectif Bilaka !

Scène nationale du Sud-Aquitain
1 rue Édouard-Ducéré 64100 Bayonne
Théâtre Michel Portal : place de la Liberté 64100 Bayonne
Théâtre Quintaou : 1 allée de Quintaou 64600 Anglet
05 59 55 85 05 – 05 59 59 07 27 – 05 59 58 73 00 – billetterie@scenenationale.fr
scenenationale.fr

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